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Poets of the past


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02 Mon enfance (extraits)....

By Hugo Victor

06 Mon enfance (extraits)
 
J’ai des rêves de guerre en mon âme inquiète ;
J’aurais été soldat, si je n’étais poète.
Ne vous étonnez point que j’aime les guerriers !
Souvent, pleurant sur eux, dans ma douleur muette,
J’ai trouvé leur cyprès plus beau que nos lauriers.
 
Enfant, sur un tambour ma crèche fut posée.
Dans un casque pour moi l’eau sainte fut puisée.
Un soldat, m’ombrageant d’un belliqueux faisceau,
De quelque vieux lambeau d’une bannière usée
Fit les langes de mon berceau.
 
Parmi les chars poudreux, les armes éclatantes,
Une muse des camps m’emporta sous les tentes ;
Je dormis sur l’affût des canons meurtriers ;
J’aimai les fiers coursiers, aux crinières flottantes,
Et l’éperon froissant les rauques étriers.
 
J’aimai les forts tonnants, aux abords difficiles ;
Le glaive nu des chefs guidant les rangs dociles ;
La vedette, perdue en un bois isolé,
Et les vieux bataillons qui passaient dans les villes
Avec un drapeau mutilé.
 
Mon envie admirait et le hussard rapide,
Parant de gerbes d’or sa poitrine intrépide,
Et le panache blanc des agiles lanciers,
Et les dragons, mêlant sur leur casque gépide
Le poil taché du tigre aux crins noirs des coursiers.
 
Et j’accusais mon âge :- Ah ! dans une ombre obscure,
Grandir, vivre ! laisser refroidir sans murmure
Tout ce sang jeune et pur, bouillant chez mes pareils,
Qui dans un noir combat, sur l’acier d’une armure,
Coulerait à flots si vermeils !-
 
Et j’invoquais la guerre, aux scènes effrayantes,
Je voyais en espoir, dans les plaines bruyantes,
Avec mille rumeurs d’hommes et de chevaux,
Secouant à la fois leurs ailes foudroyantes,
L’un sur l’autre à grands cris fondre deux camps rivaux.
 
J’entendais le son clair des tremblantes cymbales,
Le roulement des chars, le sifflement des balles ;
Et, de monceaux de morts semant leurs pas sanglants,
Je voyais se heurter au loin, par intervalles,
Les escadrons étincelants !.......
 
07 Pluie d’été (extraits)
 
Que la soirée est fraîche et douce !
Oh ! viens ! il a plu ce matin…..
…..La pluie a versé ses ondées ;
Le ciel reprend son bleu changeant ;
Les terres luisent fécondées
Comme sous un réseau d’argent.
Le petit ruisseau de la plaine,
Pour une heure enflé, roule et traîne
Brins d’herbe, lézards endormis,
Court, et, précipitant son onde
Du haut d’un caillou qu’il inonde,
Fait des Niagaras aux fourmis !
 
….Les courants ont lavé le sable ;
Au soleil monte les vapeurs,
Et l’horizon insaisissable
Tremble et fuit sous leurs plis trompeurs.
On voit seulement sous leurs voiles,
Comme d’incertaines étoiles,
Des points lumineux scintiller,
Et les monts, de la brume enfouie,
Sortir, et, ruisselants de pluie,
Les toits d’ardoise étinceler.
 
Viens errer dans la plaine humide,
A cette heure nous serons seuls.
Mets sur mon bras ton bras timide ;
Viens, nous prendrons par les tilleuls.
Le soleil rougissant décline ;
Avant de quitter la colline,
Tourne un moment tes yeux pour voir,
Avec ses palais, ses chaumières,
Rayonnants des mêmes lumières,
La ville d’or sur le ciel noir.
 
Oh ! vois voltiger les fumées
Sur les toits de brouillards baignés !
Là, sont des épouses aimées,
Là, des cœurs doux et résignés.
La vie, hélas ! dont on s’ennuie,
C’est le soleil après la pluie….
Le voilà qui baisse toujours !
De la ville, que ses feux noient,
Toutes les fenêtres flamboient
Comme des yeux au front des tours.
 
L’arc-en-ciel ! l’arc-en-ciel ! Regarde.
Comme il s’arrondit pur dans l’air !
Quel trésor le Dieu bon nous garde
Après le tonnerre et l’éclair….
 
08 La grand’mère (extraits)
 
« Dors-tu ?...réveille-toi, mère de notre mère !
D’ordinaire en dormant ta bouche remuait ;
Car ton sommeil souvent ressemble à ta prière.
Mais, ce soir, on dirait la madone de pierre ;
Ta lèvre est immobile et ton souffle est muet.
 
Pourquoi courber ton front plus bas que de coutume ?
Quel mal avons-nous fait, pour ne plus nous chérir ?
Vois , la lampe pâlit, l’âtre scintille et fume ;
Si tu ne parles pas, le feu qui se consume,
Et la lampe, et nous deux, nous allons tous mourir !
 
….Donne-nous donc tes mains dans nos mains réchauffées.
Chante-nous quelque chant de pauvre troubadour.
Dis-nous ces chevaliers qui, servis par les fées,
Pour bouquets à leur dame apportaient des trophées,
Et dont le cri de guerre était un nom d’amour.
 
….Ou montre-nous ta bible, et les belles images,
Le ciel d’or, les saints bleus, les saintes à genoux,
L’enfant Jésus, la crèche, et le bœuf, et les mages ;
Fais-nous lire du doigt, dans le milieu des pages,
Un peu de ce latin, qui parle à Dieu de nous.
 
….Dieu ! que tes bras sont froids ! rouvre les yeux… Naguère
Tu nous parlais d’un monde où nous mènent nos pas,
Et de ciel, et de tombe, et de vie éphémère,
Tu parlais de la mort ;…..dis-nous, ô notre mère,
Qu’est-ce donc que la mort ?... Tu ne nous réponds pas ! »
 
Leur gémissante voix longtemps se plaignit seule.
La jeune aube parut sans réveiller l’aïeule.
La cloche frappa l’air de ses funèbres coups ;
Et, le soir, un passant, par la porte entr’ouverte,
Vit, devant le saint livre et la couche déserte,
Les deux petits enfants qui priaient à genoux.