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Poets of the past


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04 Ode à l'alouette....

By Ronsard Pierre de

Ode à l’alouette

T’oserait bien quelque poète
Nier des vers, douce alouette ?
Quant à moi, je ne l’oserois :
Je veux célébrer ton ramage
Sut tous oiseaux qui sont en cage
Et sur tous ceux qui sont ès bois.

Qu’il te fait bon ouïr, à l’heure
Que le bouvier les champs labeure,
Quand la terre le Printemps sent,
Qui plus de ta chanson est gaie
Que courroucée de la plaie
Du soc, qui l’estomac lui fend !

Sitôt que tu es arrosée
Au point du jour, de la rosée,
Tu fais en l’air mille discours ;
En l’air des ailes tu frétilles,
Et pendue au ciel tu babilles
Et contes au vent tes amours.

Puis du ciel tu te laisses fondre,
Dans un sillon vert, soit pour pondre,
Soit pour éclore ou pour couver,
Soit pour apporter la béchée
A tes petits, ou d’une achée,
Ou d’une chenille, ou d’un ver.

Lors moi, couché dessus l’herbette,
D’une part j’oi ta chansonnette ;
De l’autre, sur du poliot,
A l’abri de quelque fougère,
J’écoute la jeune bergère
Qui dégoise son lerelot.

Lors je dis : « Tu es bienheureuse,
Gentille alouette amoureuse,
Qui n’as peur ni souci de riens,
Qui jamais au cœur n’a sentie
Les dédains d’une fière amie,
Ni le soin d’amasser des biens ;

Ou si quelque souci te touche,
C’est lors que le soleil se couche,
De dormir et de réveiller
De tes chansons, avec l’Aurore,
Et bergers et passants encore
Pour les envoyer travailler.

Mais je vis toujours en tristesse
Pour les fiertés d’une maîtresse
Qui paie ma foi de travaux
Et d’une plaisante mensonge,
Mensonge qui toujours allonge
La longue trame de mes maux. »


Ode au laboureur

Pourquoi, chétif laboureur,
Trembles-tu d’un Empereur
Qui doit bientôt, légère ombre,
Des morts accroître le nombre ?
Ne sais-tu qu’à tout chacun
Le port d’Enfer est commun,
Et qu’une âme Impériale
Aussitôt là-bas dévale
Dans le bateau de Charon
Que l’âme d’un bûcheron ?

Courage, coupeur de terre !
Ces grands foudres de la guerre
Non plus que toi n’iront pas
Armés d’un plastron là-bas
Comme ils allaient aux batailles :
Autant leur vaudront leurs mailles,
Leurs lances et leur estoc,
Comme à toi vaudra ton soc.

Car le juge Rhadamante
Assuré ne s’épouvante
Non plus de voir un harnois
Là-bas qu’un levier de bois,
Ou voir une souquenie
Qu’une cape bien gagnie,
Ou qu’un riche accoutrement
D’un Roi mort pompeusement.