03 Les amours...By Ronsard Pierre de Les amours (extraits) 
 
…Dedans un pré je vis une Naïade 
Qui comme fleur marchait dessus les fleurs, 
Et mignottait un bouquet de couleurs, 
Echevelée, en simple vertugade. 
 
Dès ce jour-là ma raison fut malade, 
Mon front pensif, mes yeux chargés de pleurs, 
Moi triste et lent : tel amas de douleurs 
En ma franchise imprima son œillade. 
 
Là je sentis dedans mes yeux couler 
Un doux venin, subtil à se mêler 
Au fond de l’âme, et, depuis cet outrage, 
 
Comme un beau lis, au mois de juin, blessé 
D’un rais trop chaud, languit à chef baissé, 
Je me consume au plus vert de mon âge. 
 
Ciel, air et vents, plains et monts découverts, 
Tertres fourchus, et forêts verdoyantes, 
Rivages tors, et sources ondoyantes, 
Taillis rasés, et vous, bocages verts ; 
 
Antres moussus à demi-front ouverts, 
Prés, boutons, fleurs et herbes rousoyantes, 
Coteaux vineux et plages blondoyantes, 
Gastine, Loir, et vous, mes tristes vers, 
 
Puis qu’au partir, rongé de soin et d’ire, 
A ce bel œil l’adieu je n’ai su dire, 
Qui près et loin me détient en émoi, 
 
Je vous suppli, ciel, air, vents, monts et plaines, 
Taillis, forêts, rivages et fontaines, 
Antres, prés, fleurs, dites-le lui pour moi….. 
 
…Voici le bois, que ma sainte Angelette 
Sur le printemps anime de son chant ; 
Voici les fleurs que son pied va marchant, 
Lors que pensive elle s’ébat seulette ; 
 
Io, voici la prée verdelette 
Qui prend vigueur de sa main la touchant, 
Quand pas à pas pillarde va cherchant 
Le bel émail de l’herbe nouvelette. 
 
Ici chanter, là pleurer je la vi, 
Ici sourire, et là je fus ravi 
De ses beaux yeux par lesquels je dévie. 
 
Ici s’asseoir, là je la vi danser : 
Sur le métier d’un si vague penser 
Amour ourdit les trames de ma vie. 
 
 
Ode à Cassandre 
 
Mignonne, allons voir si la rose 
Qui ce matin avait déclose 
Sa robe de pourpre au soleil 
A point perdu cette vêprée 
Les plis de sa robe pourprée 
Et son teint au vôtre pareil. 
 
Las ! voyez comme en peu d’espace, 
Mignonne, elle a dessus la place 
Las, las, ses beautés laissé choir ! 
O vraiment marâtre Nature, 
Puisqu’une telle fleur ne dure 
Que du matin jusques au soir ! 
 
Donc, si vous me croyez, mignonne, 
Tandis que votre âge fleuronne 
En sa plus verte nouveauté, 
Cueillez, cueillez votre jeunesse : 
Comme à cette fleur, la vieillesse 
Fera ternir votre beauté. 
 
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