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Poetry


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45 Black

By Marc Rugani

BLACK
 
Ils sont noirs, tout black
Vendeurs de montres de pacotille, de sacs
Lunettes de soleil et autres bimbeloteries ;
Leur marchandise a longtemps voyagé, des ports d’Indonésie
Ou de Chine, ou de quelque pays asiatique.
Eux ont migré de moins loin, d’Afrique
Le continent d’en face, d’à côté
-1 heure seulement de traversée-
Qu’ils peuvent voir d’où ils sont en large panoramique
De Gibraltar ou de l’Andalousie.
 
Sont-ils venus de Tanger en catimini ?
Ont-ils comme d’autres sur bateaux de fortune
Traversé le détroit par une nuit sans lune
Noire, se cachant, embarqués secrètement d’une crique marocaine
Pour Tarifa la blanche et ses plages lointaines
Et ainsi échapper aux polices maritimes et aux gardes frontières ?
 
A toute heure du jour ou de la nuit, au long de la promenade
Qui suit le bord de mer
Chacun les bras chargés, ils sont une dizaine
Proposant aux touristes en balade
Heureux, nantis, ainsi qu’aux indigènes
Avec ténacité leurs montres de contrefaçon
Leurs sacs et leurs lunettes n’offrant aux yeux nulle protection.
C’est qu’il leur faut trouver des clients à tout prix
Vendre est pour eux une question de survie
-Que mangeront-ils, où dormiront-ils ce soir
S’ils échouent ?-pour éviter la misère et pouvoir
Envoyer au pays à leur douce mama et aux sœurs
Qui attendent et espèrent, quelques sous, toutes leurs économies.
Et puis, gare à la police- il ne faut pas être pris-
Qu’ils guettent sans relâche, disparaissant aussitôt
A la vue d’une patrouille, comme envol de moineaux.
 
Chez eux, ils avaient leur honneur
Pauvres certes mais libres et fiers
Ici ils ne sont rien
N’ont rien, juste des étrangers
Dont la couleur de peau dérange, mal aimés
Rejetés, juste des clandestins
Endettés, sans papiers, sans droits
Livrés aux passeurs et aux voyous sans loi
Ni foi, négriers qui les exploitent avidement ; hier
Ils étaient sous le soleil d’Afrique honnêtes
Demain ici ils trafiqueront, ils seront malhonnêtes :
« Ventre creux n’a point d’oreille »
« Nécessité fait loi », c’est pareil.
 
Leurs amis, leurs cousins, leurs frères
Vers la France ou encore l’Italie
Comme eux l’Andalousie
Ont pris le même chemin d’exil, avec l’espoir
Semblable au ventre- rien d’autre- d’y réussir leur vie.
Mais en quittant le pays ils ignoraient qu’ils auraient en cadeau
La peur-affreuse, constante- qui colle à la peau
D’être, comme le sont les animaux pourchassés
A la fin par les chasseurs pris
Puis par eux abominablement enchaînés
Encagés
Comme le furent leurs ancêtres
Peur que leur rêve finisse ainsi
De devoir au pays reparaître
Avec pour seul bagage la honte d’avoir échoué
Et un immense désespoir.
 
Pour ces blacks
Vendeurs de lunettes et de sacs
Le ciel bleu d’Andalousie est trompeur
Il ment : leur vie est d’une toute autre couleur
De celle de leur peau sombre : noire !