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2015 04 Les mots et les songes

By Pierre Didelon

Les mots et les songes.
Blotti dans son lit il rêve sur le chemin des paradis improbables. La substance du monde n’est pas toujours très réelle. Il voit, il imagine au loin, le monde, les gens, ces gens qui sont et qui font le monde, et tous on y danse prit dans sa ronde.
On songe, on rêve à d’autres mondes, au paradis. On se dit que ça ne peut pas être ici, qu’il faut des amis. On croyait à l’utopie, mais on nous a menti, tout est faux.
On a ouvert des livres, découvrant des mondes, libérant des songes. Des promesses jamais tenues, des chemins ténus vers la lune, des substituts de réalité qui ne peuvent que s’effondrer, des évasions toujours ratées, des espoirs à décevoir. Le monde finit toujours par nous rattraper, et quelque soit le songe il ment !
Le vide est mensonge, le plein est mensonge. Nous ne sommes rien et nous sommes tout. Nous ne sommes rien de plus que les autres. Brèves rencontres et les sourires glanés, ramassés dans les filets pourris de la vérité. Illusion d’exister. On s’assoupit en toute innocence, on risque de trébucher. On a bien peu à offrir, pour illuminer les rêves, l’avenir, nourrir la vie. On se ment à soi même, pour continuer coûte que coûte. On se trompe de route, on vacille dans le vent du doute.
Les autres qui trompent et qui mentent sont loin, on ne les connaît pas. Ils dirigent le monde, influencent nos vies, guident nos envies et sélectionnent les mots que nos lèvres esquissent. Les brumes de notre conscience ressemblent à celles des matins. Les mots eux-mêmes ne sont pas les choses que l’on décrit, mais l’image du monde qui se reflète dans nos yeux vides. Les mots mentent, mais à dire les mensonges, ils les clouent sur le passé glacé, les libèrent dans des souffles d’air qui les emporteront loin dans le ciel où les nuages passent et s’effacent. Ils sont pourtant l’unique arme contre l’oubli, la dernière litanie pour lutter contre la disparition et la mort. L’ultime réceptacle de la conscience fulgurante, immense, irréductible, qui trouve refuge dans ces sons, ces gribouillis. Et pour décrire la vérité du fond de notre vie, on doit mentir un peu, forcer le trait, sinon qui nous entendrait. On croit livrer son âme, offrir son coeur, on fait naître les drames, fleurir les erreurs. Les mots masquent ce que les gestes tentent, franchir la frontière des corps, combler l’attente. Nous sommes devenus des beau parleurs, d’infatigables jacasseurs. Nous exilant à jamais de la simplicité primitive de la nature. J’ai faim, tu tues, nous mangeons, ils vivent. Cette évidence masquée par les discours qui nous emprisonnent dans les ronces folles des délires enfiévrés. Pourtant parfois la vie est encore plus étrange que les mensonges.
Cette vie fragile, futile est notre bien le plus précieux que l’on essaye d’apprivoiser par des mots menteurs, des rêves qui nous éloignent de la chaleur du présent. Chaque seconde est un présent fragile, cadeau inespéré, qui attend qu’on l’abrite sous nos vêtements, serré contre notre coeur, qu’on le réchauffe à notre peau, contre les bourrasques de la vie, les tempêtes et les cris. Les songes nous emportent. L’espoir nous porte, vers demain à petits pas. Alors les rêves même si ça ne remplit pas le ventre, c’est déjà ça. C’est mieux que rien.
Le monde songe. Le songe ment. La réalité attend, alors on s’y plonge, sans mots arrogants, à petits pas hésitants. Le bourdonnement du sang envahit les tempes et le front brulants. Dans la lumière des mots nous attraperons les rêves pour déchirer les ténèbres, briser les malédictions funèbres, dire malgré tous les mensonges, nos rires, nos rêves, nos vies et nos songes.
Sur le lit il s’est envolé dans les songes et les mensonges. Le bras encore garroté, la seringue a roulé sur le plancher. Le revendeur lui a donné une mauvaise camelote, le fourgue l’a floué. A la fin, on se fait tous berner.