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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Les poissons mélomanes...

Par Fourest Georges

 
Les poissons mélomanes
 
Les pianos
Des casinos
Aux bains de mer
Font rêver les poissons qui nagent dans la mer,
Car- (tous les érudits le savent de nos jours)-
Ils sont muets, c’est vrai, mais ils ne sont pas sourds !
 
Tout d’abord ils s’étonnent,
Roulant des yeux peureux :
« Peut-être bien qu’il tonne ? »
Songent-ils à part eux
Mais vite ils se rassurent
Et voyant que
Nul éclair ne fulgure
Ils battent la mesure
Avec leur queue !
 
Les sardinettes réjouies
Pour ouïr ouvrant leurs ouïes
Dansent la ronde
Toute la nuit.
Un grondin gronde :
« Allez dormir avec ce bruit ! »
Mais les bars indulgents sourient à cette danse
Et jugeant que
Ce sont jeux innocents, ils marquent la cadence
Avec leur queue !
 
Les pianos
Des casinos
Aux bains de mer
Amusent les poissons qui nagent dans la mer !
Sonate en ré
(mi, fa, sol, ré)
Plus d’une jeune raie
Langoureuse voudrait
Etre au moment du frai,
Car elle se sent l’âme
Pleine d’épithalame !
Romance en sol
(do, mi, fa, sol)
La Romance du saule
Plus d’une jeune sole
Pose pour doña Sol
Cependant que
Les maquereaux galants
Et les petits merlans
Doux et dolents
Admirent sa tournure
Et battent la mesure
Avec leur queue !
 
Les pianos
Des casinos
Aux bains de mer
Font rêver les poissons qui nagent dans la mer !
Digue, don, don !
C’est Offenbach !
Digue dondaine !
Et non plus Bach !
Joyeux, bon prince,
Levant la pince,
Le homard pince
Un rigodon !
Digue dondaine !
Digue, don, don !
Mais, horreur, n’est-ce pas un air de l’Africaine ?
Saisi d’un tremblement
Convulsif le homard songe à l’Américaine
(affreux pressentiment !)
Mais vite il se rassure
Et jugeant que
Les pêcheurs sont couchés, il marque la mesure
Avec sa queue.
 
Les pianos
Des casinos
Aux bains de mer
Amusent les poissons qui nagent dans la mer…
Et puis lorsque l’automne
Ferme les casinos
Ah ! les pauvres poissons trouvent bien monotones
Les nuits sans pianos…
Et dans leur souvenance
Cherchant un air qui fuit
Ils nagent en cadence
Mais pleins d’ennui !
 
Le vieux saint
 
Dans notre église autrefois
Il était un saint de bois :
L’air bonasse et vénérable,
Taillé dans un tronc d’érable
A coups de hache, il avait
Ecouté plus d’un Ave
Montant vers lui du pavé ;
Tout vermoulu, tout cassé,
Le bon Dieu le connaissait
Bien et toujours l’exauçait.
A vêpres, quand s’allumaient
Les cierges qui tremblotaient,
Un peu gourmand, il humait
Le bon encens qui fumait
Dans l’encensoir parfumé.
Sur toute chose il aimait,
Aux beaux soirs du mois de mai
Les belles roses de mai
Devant l’autel embaumé
Et quand Noël ramenait
Les petits bergers frisés
Soëf, il amignottait
Jésus, le doux nouveau-né.
Puis dans l’église fermée
Où les vitraux s’éteignaient
Lentement il s’endormait
Priant pour nos trépassés
Le bon Dieu qui l’exauçait !
Mais de Paris est venu,
Hideux comme un parvenu,
Tout neuf et peinturluré
Un saint de plâtre doré,
Un affreux saint qu’ils ont mis
Dans la niche où tu dormis,
Ô vieux saint, mon vieil ami,
Et les sans-cœur ont brûlé
En disant : Il est trop laid !
Ton pauvre corps d’exilé.
Mais, vieux saint, je te promets
Que je ne prierai jamais
L’intrus, mais toujours à toi
S’en iront mes vœux, à toi,
Père qui subis deux fois,
Saint de chair et saint de bois,
Le martyre pour la foi ;
Et quand je mourrai c’est toi
Qui porteras dans les cieux
Mon âme aux pieds du bon Dieu…
 
Mission de confiance, je l’ose dire !
 
Fleurs des morts
 
Chrysanthèmes, fleurs d’or,
Fleurissez les pauvres morts ;
Chrysanthèmes, fleurissez…
Pour les pauvres trépassés…
Mais, sous la terre enfermés,
Ils ne connaîtront jamais
Vos pétales embaumés* :
Dans leurs tristes monuments,
Las ! ils verront seulement
Vos racines : c’est pourquoi,
Sentimental, à part moi,
Je songe, ô vivants pieux,
Que peut-être il vaudrait mieux
Planter sous les cyprès verts
Les fleurs des morts à l’envers !
 
*Il est bon de faire observer que les chrysanthèmes sentent plutôt mauvais.
 
Souvenir ou autre repas de famille
 
Quand j’étais tout petit, nous dînions chez ma tante,
Le jeudi soir ; papa la jugeait dégoûtante
A cause d’un lupus qui lui mangeait le nez :
Ce m’est un souvenir si doux que ces dîners !
Après le pot-au-feu, la bonne Marguerite
Apportait le gigot avec la pomme frite
Classique et c’était bon ! Je ne vous dis que ça !
Chacun jetait son os à la chienne Aïssa.
Moi, ce que j’aimais bien c’est l’andouille de Vire ;
Je contemplais (ainsi que Lamartine Elvire)
Sur mon assiette à fleurs les gros morceaux de lard,
Et je roulais des yeux béats de papelard
Et ma tante disait : « Mange donc, niguedouille !... »
O Seigneur, bénissez ma tante et son andouille !
 
Petit Lapons
 
Dans leur cahute enfumée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits Lapons
Boivent l’huile de poisson !
 
Dehors on entend le vent
Pleurer ; les méchants ours blancs
Grondent en grinçant des dents
Et depuis longtemps est mort
Le pâle soleil du Nord !
Mais dans la hutte enfûmée
Bien soigneusement fermée
Les braves petits Lapons
Boivent l’huile de poisson…
 
Sans rien dire, ils sont assis,
Père, mère, aïeul, les six
Enfants, le petit dernier
Bave en son berceau d’osier ;
Leur bon vieux renne au poil roux
Les regarde, l’air si doux !
 
Bientôt ils s’endormiront
Et demain ils reboiront
La bonne huile de poisson,
Et puis se rendormiront
Et puis, un jour, ils mourront !
Ainsi coulera leur vie
Monotone et sans envie…
Et plus d’un poète envie
Les braves petits Lapons
Buveurs d’huile de poisson !
 
 
 
 
 
 

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