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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Esther 1689 Acte I

Par Racine Jean

Esther (extraits)
 
Acte I
Scène I Esther, Elise
Elise :…. « Le fier Assuérus couronne sa captive,
Et le Persan superbe est aux pieds d’une Juive.
Par quels secrets ressorts, par quel enchaînement
Le ciel a-t-il conduit ce grand évènement ? »
Esther : « Peut-être on t’a conté la fameuse disgrâce
De l’altière Vasthi, dont j’occupe la place,
Lorsque le Roi, contre elle enflammé de dépit,
La chassa de son trône, ainsi que de son lit.
Mais il ne put sitôt en bannir la pensée.
Vasthi régna longtemps dans son âme offensée.
Dans ses nombreux Etats il fallut donc chercher
Quelque nouvel objet qui l’en pût détacher.
De l’Inde à l’Hellespont ses esclaves coururent.
Les filles de l’Egypte à Suse comparurent.
Celles même du Parthe et du Scythe indompté
Y briguèrent le sceptre offert à la beauté.
On m’élevait alors, solitaire et cachée,
Sous les yeux vigilants du sage Mardochée.
Tu sais combien je dois à ses heureux secours.
La mort m’avait ravi les auteurs de mes jours.
Mais lui, voyant en moi la fille de son frère,
Me tint lieu, chère Elise, et de père et de mère.
Du triste état des Juifs jour et nuit agité,
Il me tira du sein de mon obscurité,
Et sur mes faibles mains fondant leur délivrance,
Il me fit d’un empire accepter l’espérance.
A ses desseins secrets tremblante j’obéis.
Je vins. Mais je cachai ma race et mon pays.
Qui pourrait cependant t’exprimer les cabales
Que formait en ces lieux ce peuple de rivales,
Qui toutes disputant un si grand intérêt,
Des yeux d’Assuérus attendaient leur arrêt ?
Chacune avait sa brigue et de puissants suffrages :
L’une d’un sang fameux vantait les avantages ;
L’autre, pour se parer de superbes atours,
Des plus adroites mains empruntait le secours.
Et moi, pour toute brigue et pour tout artifice,
De mes larmes au ciel j’offrais le sacrifice.
Enfin on m’annonça l’ordre d’Assuérus.
Devant ce fier monarque, Elise, je parus.
Dieu tient le cœur des rois entre ses mains puissantes ;
Il fait que tout prospère aux âmes innocentes,
Tandis qu’en ses projets l’orgueilleux est trompé.
De mes faibles attraits le Roi parut frappé.
Il m’observa longtemps dans un sombre silence ;
Et le ciel, qui pour moi fit pencher la balance,
Dans ce temps-là sans doute agissait sur son cœur.
Enfin avec des yeux où régnait la douceur :
« Soyez reine », dit-il ; et, dès ce moment même
De sa main sur mon front posa son diadème.
Pour mieux faire éclater sa joie et son amour,
Il combla de présents tous les grands de sa cour ;
Et même ses bienfaits, dans toutes ses provinces,
Invitèrent le peuple aux noces de leurs princes.
Hélas ! durant ces jours de joie et de festins,
Quelle était en secret ma honte et mes chagrins !
« Esther, disais-je, Esther dans la pourpre est assise,
La moitié de la terre à son sceptre est soumise,
Et de Jérusalem l’herbe cache les murs !
Sion, repaire affreux de reptiles impurs,
Voit de son temple saint les pierres dispersées,
Et du Dieu d’Israël les fêtes sont cessées ! »…..
 
Scène III Esther, Mardochée, Elise
Esther : « Quel profane en ce lieu s’ose avancer vers nous ?
Que vois-je ? Mardochée ? O mon père, est-ce vous ?
Un ange du Seigneur, sous son aile sacrée,
A donc conduit vos pas et caché votre entrée ?
Mais d’où vient cet air sombre, et ce cilice affreux,
Et cette cendre enfin qui couvre vos cheveux ?
Que nous annoncez-vous ? »
Mardochée : « O Reine infortunée !
O d’un peuple innocent barbare destinée !
Lisez, lisez l’arrêt détestable, cruel.
Nous sommes tous perdus, et c’est fait d’Israël.
Esther : « Juste ciel ! tout mon sang dans mes veines se glace ».
Mardochée : « On doit de tous les Juifs exterminer la race.
Au sanguinaire Aman nous sommes tous livrés.
Les glaives, les couteaux sont déjà préparés.
Toute la nation à la fois est proscrite.
Aman, l’impie Aman, race d’Amalécite,
A pour ce coup funeste armé tout son crédit,
Et le Roi, trop crédule, a signé cet édit.
Prévenu contre nous par cette bouche impure,
Il nous croit en horreur à toute la nature.
Ses ordres sont donnés ; et dans tous ses Etats,
Le jour fatal est pris pour tant d’assassinats.
Cieux, éclairerez-vous cet horrible carnage ?
Le fer ne connaîtra ni le sexe ni l’âge ;
Tout doit servir de proie aux tigres, aux vautours ;
Et ce jour effroyable arrive dans dix jours. »…..
…  « Laissez les pleurs, Esther, à ces jeunes enfants.
En vous est tout l’espoir de vos malheureux frères.
Il faut les secourir. Mais les heures sont chères :
Le temps vole, et bientôt amènera le jour
Où le nom des Hébreux doit périr sans retour.
Toute pleine du feu de tant de saints prophètes,
Allez, osez au Roi déclarer qui vous êtes. »…
…  « Quoi ? Lorsque vous voyez périr votre patrie,
Pour quelque chose, Esther, vous comptez votre vie !
Dieu parle, et d’un mortel vous craignez le courroux !
Que dis-je ?
Votre vie, Esther, est-elle à vous ?
N’est-elle pas au sang dont vous êtes issue ?
N’est-elle pas à Dieu dont vous l’avez reçue ?
Et qui sait, lorsqu’au trône il conduisit vos pas,
Si pour sauver son peuple il ne vous gardait pas ?
Songez-y bien : ce Dieu ne vous a pas choisie
Pour être un vain spectacle aux peuples de l’Asie,
Ni pour charmer les yeux des profanes humains.
Pour un plus noble usage il réserve ses saints.
S’immoler pour son nom et pour son héritage,
D’un enfant d’Israël voilà le vrai partage :
Trop heureuse pour lui de hasarder vos jours !.... »
 
Scène V Le chœur
Une israélite : « Quel carnage de toutes parts !
On égorge à la fois les enfants, les vieillards,
Et la sœur et le frère,
Et la fille et la mère,
Le fils dans les bras de son père.
Que de corps entassés ! Que de membres épars,
Privés de sépulture !
Grand Dieu ! tes saints sont la pâture
Des tigres et des léopards.
Une des plus jeunes israélites : « Hélas ! si jeune encore,
Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur ?
Ma vie à peine a commencé d’éclore.
Je tomberai comme une fleur
Qui n’a vu qu’une aurore.
Hélas ! si jeune encore,
Par quel crime ai-je pu mériter mon malheur ? »……
Une israélite : « Arme-toi, viens nous défendre :
Descends, tel qu’autrefois la mer te vit descendre.
Que les méchants apprennent aujourd’hui
A craindre ta colère.
Qu’ils soient comme la poudre et la paille légère
Que le vent chasse devant lui. »….
 
 
 
 
 
 
 
 

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