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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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La négresse blonde....

Par Fourest Georges

La négresse blonde
I
Elle est noire comme cirage,
Comme un nuage
Au ciel d’orage,
Et le plumage
Du corbeau,
Et la lettre A, selon Rimbaud ;
Comme la nuit,
Comme l’ennui,
L’encre et la suie !
Mais ses cheveux,
Ses doux cheveux,
Soyeux et longs
Sont plus blonds, plus blonds
Que le soleil
Et que le miel
Doux et vermeil,
Que le vermeil,
Plus qu’Eve, Hélène et Marguerite,
Que le cuivre des lèchefrites,
Qu’un épi d’or
De messidor,
Et l’on croirait d’ébène et d’or
La belle Négresse, la Négresse blonde !
II
Cannibale, mais ingénue,
Elle est assise, toute nue,
Sur une peau de kanguroo,
Dans l’île de Tamamourou !
Là, pétauristes, potourous,
Ornithorynques et wombats,
Phascolomes prompts au combat,
Près d’elle prennent leurs ébats !
Selon la mode Papoua,
Sa mère, enfant, la tatoua :
En jaune, en vert, en vermillon,
En zinzolin, par millions
Oiseaux, crapauds, serpents, lézards,
Fleurs polychromes et bizarres,
Chauves-souris, monstres ailés,
Laids, violets, bariolés,
Sur son corps noirs sont dessinés.
Sur ses fesses bariolées
On écrivit en violet
Deux sonnets sibyllins rimés
Par le poète Mallarmé
Et sur son ventre peint en bleu
Fantastique se mord la queue
Un amphisbène.
L’arrête d’un poisson lui traverse le nez,
De sa dextre aux doigts terminés
Par des ongles teints au henné,
Elle caresse un échidné,
Et parfois elle fait sonner
En souriant d’un air amène
A son col souple un beau collier
De dents humaines,
La belle Négresse, la Négresse blonde !
III
Or des Pierrots,
De blancs Pierrots, de doux Pierrots
Blancs comme des poiriers en fleurs,
Comme la fleur
Des pâles nymphéas sur l’eau,
Comme l’écorce des bouleaux,
Comme le cygne, oiseau des eaux,
Comme les os
D’un vieux squelette,
Blancs comme un blanc papier de riz,
Blancs comme un blanc Mois-de-Marie,
De doux Pierrots, de blancs Pierrots
Dansent le falot boléro
La fanfoulla, la bamboula,
Eperdument au son de la
Maigre guzla,
Autour de la
Négresse blonde.
IV
Parfois un Pierrot tombe, alors
Brandissant un scalpel en or
Et riant un rire sonore,
Un triomphant rire d’enfant,
Vainqueur, moqueur et triomphant,
En grinçant la négresse fend
La poitrine de l’enfant blême
Et puis scalpe l’enfant blême
Et, de ses dents que le bétel
Teint en ébène, bien vite elle
Mange le cœur et la cervelle,
Sans poivre ni sel !
Ah ! buvant- suave liqueur !-
Le sang tout chaud, cervelle et cœur,
A belles dents, sans nul émoi,
Elle dévore tout, et moi,
Négresse, je t’apporte ici
Mon cœur et ma cervelle aussi,
Mon foie itou,
Va ! bâfre tout !
Trou laï tou !
Car, sans mentir, j’ai proclamé
Que dans ce monde
Laid, sublunaire, terraqué
Et détraqué
Pour qui n’est pas un paltoquet
Comme Floquet,
Seule fut digne d’être aimée
La blonde Négresse, la Négresse blonde.
 
Renoncement
Bourgeois hideux, préfets, charcutiers, militaires,
Gens de lettres, marlous, juges, mouchards, notaires,
Généraux, caporaux et tourneurs de barreaux
De chaise, lauréats mornes des Jeux Floraux,
Banquistes et banquiers, architectes pratiques
Metteurs de Choubersky dans les salles gothiques,
Dentistes, oyez tous ! – Lorsque je naquis dans
Mon château crénelé j’avais trois mille dents
Et des favoris bleus ! on narre que ma mère
(et croyez que ceci n’est pas une chimère !)
M’avait porté sept ans entiers. Encore enfant
J’assommai d’une chiquenaude un éléphant.
Chaque jour, huit pendus à face de Gorgone
Grimaçaient aux huit coins de ma tour octogone,
Et j’eus pour précepteur cet illustre Sarcey
Qui semble un fruit trop mûr de cucurbitacé,
Mais qui sait tout, ayant lu plusieurs fois Larousse !
Mon parrain se nommait Frédéric Barberousse.
Quand j’atteignis quinze ans, le Cid Campeador,
Pour m’offrir sa tueuse et ses éperons d or,
Sortit de son tombeau ; d’une voix surhumaine :
« Ami, veux-tu coucher, dit-il, avec Chimène ? »
Moi, je lui répondis « Zut ! » et « Bran ! » Par façon
De divertissement, d’un coup d’estramaçon
J’éventrai l’Empereur ; puis je châtrai le Pape
Et son grand moutardier : je dérobai sa chape
D’or, sa tiare d’or et son grand ostensoir
D’or pareil au soleil vermeil dans l’or du soir !
Des cardinaux traînaient mon char, à quatre pattes,
Et je gravis ainsi, sept fois, les monts Karpathes.
Je dis au Padishah : « Vous n’êtes qu’un faquin ! »
Pour ma couche le fils de l’Amorabaquin
M’offrit ses trente sœurs et ses quatre-vingts femmes,
Et je me suis grisé de voluptés infâmes
Parmi les icoglans du grand Kaïmakan !
Les Boyards de Russie au manteau d’astrakan
Décrottaient mes souliers. L’Empereur de la Chine,
Pour monter à cheval me prêtait son échine,
Osa me dire un mot sans ôter son chapeau :
Je l’écorchai tout vif et revendis sa peau
Très cher à Félix Faure ! Encore qu’impubère
(on me voit tous les goûts de feu César Tibère)
Je déflorai la sœur du Taïkoun ; je crois
Qu’il voulut rouspéter : je le fis clouer en croix
Ce bélître, piller, huit jours, sa capitale
Er dévorer son fils par un onocrotale !
Ayant sodomisé Brunetière et Barrès,
J’exterminai les phanségars de Bénarès !
A Bysance qu’on nomme aussi Constantinople,
Ô Mahomet, je pris ton drapeau de sinople
Pour m’absterger le fondement et j’empalais
Chaque soir, un vizir au seuil de mon palais !
Ma dague, messeigneurs, n’est pas fille des rues :
Elle a trente et un jours dans le mois ses menstrues !
En pissant j’éteignis le Vésuve et l’Hekla ;
Le mont Kinchinjinga devant moi recula !
Voulant un héritier, sur les bords du Zambèse
Où nage en reniflant l’hippopotame obèse,
Dans la forêt, séjour du mandrill au nez bleu,
Sous le ciel coruscant et les rayons de feu
D’un soleil infernal que le Dyable tisonne,
J’eus quatorze bâtards jumeaux d’une Amazone !
Parmi ces négrillons, j’élus pour mettre à part
Le plus foncé, jetant le reste à mon chat-pard !
La Reine de Saba, misérable femelle,
Voulut me résister : je coupai sa mamelle
Senestre pour m’en faire une blague, et, depuis,
Je fis coudre en un sac et jeter en un puits
La fille d’un rajah parce que son haleine
Etait forte, et je fus aimé d’une baleine
Géante au Pôle Nord (palsambleu ! c’est assez
Pervers, qu’en dites-vous ? l’amour des cétacés !).
Fort peu de temps avant que je ne massacrasse
L’affreux Zéomébuch et tous ceux de sa race,
Dans la jungle où saignaient des fleurs d’alonzoas
Je dévorai tout crus huit cent mille boas
Et je bus du venin de trigonocéphale !
La rafale hurlait ! je dis à la rafale :
« Qu’on se taise ! ou mordieu !... ».. La rafale se tut.
Répondez ! Répondez, bonzes de l’Institut :
Mon Quos ego vaut-il celui du sieur Virgile ?
Or- j’atteste ceci la main sur l’Evangile !-
Un matin, il me plut de descendre en enfer
Avant le déjeuner ; mon cousin Lucifer
Me reçut noblement et me donna mille âmes
De Juifs à torturer ! Ensemble nous parlâmes
Politique, beaux-arts et coetera, je vis
Qu’il avait du bon sens ; il fut de mon avis
En tout : et j’urinai dans les cent trente bouches
Du grand Baal-Zebuh, archi-baron des mouches !
L’Océan Pacifique a vu plus d’une fois
Son flux et son reflux s’arrêter à ma voix !
A ma voix, les pendus chantaient à la potence..
Or, ayant tout rangé sous mon omnipotence,
Les Rois, les Empereurs, les Dieux, les Eléments,
Servi par les sorciers et par les nigromants,
Je compris que la vie est une farce amère
Et, pensif, conculcant les cinq mondes vautrés
A mes pieds, je revins, près de ma vieille mère,
Deviner les rébus des journaux illustrés !
 
Pseudo-sonnet africain et gastronomique ou (plus simplement) repas de famille
 
Au bord du Loudjiji qu’embaument les arômes
Des toumbos, le bon roi Makoko s’est assis.
Un m’gannga tatoua de zigzags polychromes
Sa peau d’un noir vineux tirant sur le cassis.
 
Il fait nuit : les m’pafous ont des senteurs plus frêles ;
Sourd, un marimeba vibre en des temps égaux ;
Des alligators d’or grouillent parmi les prêles ;
Un vent léger courbe la tête des sorghos ;
 
Et le mont Koungoua rond comme une bedaine,
Sous la Lune aux reflets pâles de molybdène,
Se mire dans le fleuve au bleuâtre circuit.
 
Makoko reste aveugle à tout ce qui l’entoure :
Avec conviction ce potentat savoure
Un bras de son grand-père et le juge trop cuit.