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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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Les femmes savantes Acte I

Par Molière

Les femmes savantes (extraits)

Acte Ier  Scène I (extraits)

Henriette

 

Armande

Henriette

Armande

 

 

 

 

 

 

Henriette

 

 

 

Armande

Henriette

…. Qu’a donc le mariage en soi qui vous oblige,

Ma sœur… ?

Ah ! mon Dieu ! fi !

Comment ?

Ah ! fi ! vous dis-je.

Ne concevez-vous point ce que, dès qu’on l’entend,

Un tel mot, à l’esprit, offre de dégoûtant ?

De quelle étrange image on est par lui blessée ?

Sur quelle sale vue il traîne la pensée ?

N’en frissonnez-vous point ? et pouvez-vous, ma sœur

Aux suites de ce mot résoudre votre cœur ?

Les suites de ce mot, quand je les envisage,

Me font voir un mari, des enfants, un ménage ;

Et je ne vois rien là, si j’en puis raisonner,

Qui blesse la pensée et fasse frissonner.

De tels attachements, ô Ciel ! sont pour vous plaire ?

Et qu’est-ce qu’à mon âge on a de mieux à faire,

Que d’attacher à soi, par le titre d’époux,

Un homme qui vous aime, et soit aimé de vous,

Et de cette union, de tendresse suivie,

Se faire les douceurs d’une innocente vie ?

Ce nœud, bien assorti, n’a-t-il pas des appas ?

……

Acte Ier  Scène II (extraits)

Armande

 

 

 

 

 

 

Henriette

 

 

 

 

 

 

 

 

Armande

 

Henriette

…. Mais vous qui m’en parlez, où la (morale) pratiquez-vous,

De répondre à l’amour que l’on vous fait paraître

Sans le congé de ceux qui vous ont donné l’être ?

Sachez que le devoir vous soumet à leurs lois,

Qu’il ne vous est permis d’aimer que par leur choix,

Qu’ils ont sur votre cœur l’autorité suprême,

Et qu’il est criminel d’en disposer vous-même.

Je rends grâce aux bontés que vous me faites voir

De m’enseigner si bien les choses du devoir ;

Mon cœur sur vos leçons veut régler sa conduite ;

Et pour vous faire voir, ma sœur, que j’en profite,

Clitandre, prenez soin d’appuyer votre amour

De l’agrément de ceux dont j’ai reçu le jour ;

Faites-vous sur mes vœux un pouvoir légitime,

Et me donnez moyen de vous aimer sans crime ?

…..

Vous triomphez, ma sœur, et faites une mine

A vous imaginer que cela me chagrine.

Moi, ma sœur, point du tout. Je sais que sur vos sens

Les droits de la raison sont toujours tout-puissants ;

Et que, par les leçons qu’on prend dans la sagesse,

Vous êtes au-dessus d’une telle faiblesse.

Loin de vous soupçonner d’un tel chagrin, je croi

Qu’ici vous daignerez vous employer pour moi

Appuyer sa demande, et de votre suffrage

Presser l’heureux moment de notre mariage.

……

Acte Ier  Scène III (extraits)

Henriette

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Clitandre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Henriette

 

 

 

 

 

 

 

Clitandre

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Henriette

Clitandre

…. Le plus sûr est de gagner ma mère :

Mon père est d’une humeur à consentir à tout,

Mais il met peu de poids aux choses qu’il résout ;

Il a reçu du Ciel certaine bonté d’âme

Qui le soumet d’abord à ce que veut sa femme ;

C’est elle qui gouverne, et d’un ton absolu

Elle dicte pour loi ce qu’elle a résolu.

Je voudrais bien vous voir pour elle, et pour ma tante,

Une âme, je l’avoue, un peu plus complaisante,

Un esprit qui, flattant les visions du leur,

Vous pût de leur estime attirer la chaleur.

Mon cœur n’a jamais pu, tant il est né sincère,

Même dans votre sœur flatter leur caractère,

Et les femmes docteurs ne sont point de mon goût.

Je consens qu’une femme ait des clartés de tout ;

Mais je ne lui veux point la passion choquante

De se rendre savante afin d’être savante ;

Et j’aime que souvent, aux questions qu’on fait,

Elle sache ignorer les choses qu’elle sait ;

De son étude enfin je veux qu’elle se cache

Et qu’elle ait du savoir sans vouloir qu’on le sache,

Sans citer les auteurs, sans dire de grands mots,

Et clouer de l’esprit à ses moindres propos.

Je respecte beaucoup Madame votre mère ;

Mais je ne puis du tout approuver sa chimère,

Et me rendre l’écho des choses qu’elle dit,

Aux encens qu’elle donne à son héros d’esprit.

Son Monsieur Trissotin me chagrine, m’assomme,

Et j’enrage de voir qu’elle estime un tel homme,

Qu’elle nous mette au rang des grands et beaux esprits

Un benêt dont partout on siffle les écrits,

Un pédant dont on voit la plume libérale

D’officieux papiers fournir toute la halle.

Ses écrits, ses discours, tout m’en semble ennuyeux,

Et je me trouve assez votre goût et vos yeux ;

Mais, comme sur ma mère il a grande puissance,

Vous devez vous forcer à quelque complaisance.

Un amant fait sa cour où s’attache son cœur,

Il veut de tout le monde y gagner la faveur ;

Et, pour n’avoir personne à sa flamme contraire,

Jusqu’au chien du logis il s’efforce de plaire.

Oui, vous avez raison ; mais Monsieur Trissotin

M’inspire au fond de l’âme un dominant chagrin.

Je ne puis consentir, pour gagner ses suffrages,

A me déshonorer en prisant ses ouvrages ;

C’est par eux qu’à mes yeux il a d’abord paru,

Et je le connaissais avant que l’avoir vu.

Je vis, dans le fatras des écrits qu’il nous donne,

Ce qu’étale en tous lieux sa pédante personne ;

La constante hauteur de sa présomption,

Cette intrépidité de bonne opinion,

Cet indolent état de confiance extrême

Qui le rend en tout temps si content de soi-même,

Qui fait qu’à son mérite incessamment il rit,

Qu’il ne sait si bon gré de tout ce qu’il écrit,

Et qu’il ne voudrait pas changer sa renommée

Contre tous les honneurs d’un général d’armée.

C’est avoir de bons yeux que de voir tout cela.

Jusques à sa figure encor la chose alla,

Et je vis, par les vers qu’à la tête il nous jette,

De quel air il fallait que fût fait le poète ;

Et j’en avais si bien deviné tous les traits

Que, rencontrant un homme un jour dans le Palais,

Je gageai que c’était Trissotin en personne,

Et je vis qu’en effet la gageure était bonne.

…..

Acte Ier  Scène IV (extraits)

Bélise

Ah ! tout beau, gardez-vous de m’ouvrir trop votre âme.

Si je vous ai su mettre au rang de mes amants,

Contentez-vous des yeux pour vos seuls truchements.

Et ne m’expliquez point par un autre langage

Des désirs qui chez moi passent pour un outrage ;

Aimez-moi, soupirez, brûlez pour mes appas,

Mais qu’il me soit permis de ne le savoir pas :

Je puis fermer les yeux sur vos flammes secrètes,

Tant que vous vous tiendrez aux muets interprètes !

Mais si la bouche vient à s’en vouloir mêler,

Pour jamais de ma vue il vous faut exiler.