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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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02Les Antiquités de Rome

Par Du Bellay Joachim

Antiquités25
 
Que n’ai-je encor la harpe thracienne,
Pour réveiller de l’enfer paresseux
Ces vieux Césars, et les ombres de ceux
Qui ont bâti cette ville ancienne ?
 
Ou que je n’ai celle amphionienne,
Pour animer d’un accord plus heureux
De ces vieux murs les ossements pierreux,
Et restaurer la gloire ausonienne ?
 
Pussé-je au moins d’un pinceau plus agile
Sur le patron de quelque grand Virgile
De ces palais les portraits façonner :
 
J’entreprendrais, vu l’ardeur qui m’allume,
De rebâtir au compas de la plume
Ce que les mains ne peuvent maçonner .
 
Antiquités26
 
Qui voudrait figurer la romaine grandeur
En ses dimensions, il lui faudrait querre
A la ligne et au plomb, au compas, à l’équerre,
Sa longueur et largeur, hautesse et profondeur :
 
Il lui faudrait cerner d’une égale rondeur
Tout ce que l’océan de ses longs bras enserre,
Soit où l’astre annuel échauffe plus la terre,
Soit où souffle Aquilon sa plus grande froideur.
 
Rome fut tout le monde, et tout le monde en Rome.
Et si par mêmes noms mêmes choses on nomme,
Comme du nom de Rome on se pourrait passer,
 
La nommant par le nom de la terre et de l’onde :
Ainsi le monde on peut sur Rome compasser,
Puisque le plan de Rome est la carte du monde.
 
Antiquités29
 
Tout ce qu’Egypte en pointe façonna,
Tout ce que Grèce à la corinthienne,
A l’ionique, attique ou dorienne,
Pour l’ornement des temples maçonna :
 
Tout ce que l’art de Lysippe donna,
La main d’Apelle ou la main phidienne,
Soulait orner cette ville ancienne,
Dont la grandeur le ciel même étonna :
 
Tout ce qu’Athène eut onques de sagesse,
Tout ce qu’Asie eut onques de richesse,
Tout ce qu’Afrique eut onques de nouveau,
 
S’est vu ici. O merveille profonde !
Rome vivant fut l’ornement du monde,
Et morte elle est du monde le tombeau.
 
Antiquités30
 
Comme le champ semé en verdure foisonne,
De verdure se hausse en tuyau verdissant,
Du tuyau se hérisse en épi florissant,
D’épi jaunit en grain, que le chaud assaisonne :
 
Et comme en la saison le rustique moissonne
Les ondoyants cheveux du sillon blondissant,
Les met d’ordre en javelle, et du blé jaunissant
Sur le champ dépouillé mille gerbes façonne :
 
Ainsi de peu à peu crût l’empire romain,
Tant qu’il fut dépouillé par la barbare main,
Qui ne laissa de lui que ces marques antiques
 
Que chacun va pillant : comme on voit le glaneur
Cheminant pas à pas recueillir les reliques
De ce qui va tombant après le moissonneur.