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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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01Les Antiquités de Rome

Par Du Bellay Joachim

Au Roi
 
Ne vous pouvant donner ces ouvrages antiques
Pour votre Saint-Germain ou pour Fontainebleau,
Je les vous donne, Sire, en ce petit tableau
Peint, le mieux que j’ai pu, de couleurs poétiques :
 
Qui mis sous votre nom devant les yeux publiques,
Si vous le daignez voir en son jour le plus beau,
Se pourra bien vanter d’avoir hors du tombeau
Tiré des vieux Romains les poudreuses reliques.
 
Que vous puissent les dieux un jour donner tant d’heur,
De rebâtir en France une telle grandeur
Que je la voudrais bien peindre en votre langage :
 
Et peut-être qu’alors votre grand Majesté,
Repensant à mes vers, dirait qu’ils ont été
De votre monarchie un bienheureux présage.
 
Antiquités3
 
Nouveau venu, qui cherches Rome en Rome
Et rien de Rome en Rome n’aperçois,
Ces vieux palais, ces vieux arcs que tu vois,
Et ces vieux murs, c’est ce que Rome on nomme.
 
Vois quel orgueil, quelle ruine ; et comme
Celle qui mit le monde sous ses lois,
Pour dompter tout, se dompta quelquefois,
Et devint proie au temps, qui tout consomme.
 
Rome de Rome est le seul monument,
Et Rome Rome a vaincu seulement.
Le Tibre seul, qui vers la mer s’enfuit,
 
Reste de Rome. O mondaine inconstance !
Ce qui est ferme, est par le temps détruit,
Et ce qui fuit, au temps fait résistance.
 
Antiquités5
 
Qui voudra voir tout ce qu’ont pu nature,
L’art et le ciel, Rome, te vienne voir :
J’entends s’il peut ta grandeur concevoir
Par ce qui n’est que ta morte peinture.
 
Rome n’est plus : et si l’architecture
Quelque ombre encor de Rome fait revoir,
C’est comme un corps par magique savoir
Tiré de nuit hors de sa sépulture.
 
Le corps de Rome en cendre est dévalé,
Et son esprit rejoindre s’est allé
Au grand esprit de cette masse ronde.
 
Mais ses écrits, qui sont los le plus beau
Malgré le temps arrachent du tombeau,
Font son idole errer parmi le monde.
 
Antiquités14
 
Comme on passe en été le torrent sans danger,
Qui soulait en hiver être le roi de la plaine,
Et ravir par les champs d’une fuite hautaine
L’espoir du laboureur et l’espoir du berger :
 
Comme on voit les couards animaux outrager
Le courageux lion gisant dessus l’arène,
Ensanglanter leurs dents, et d’une audace vaine
Provoquer l’ennemi qui ne se peut venger :
 
Et comme devant Troie on vit des Grecs encor
Braver les moins vaillants autour du corps d’Hector
Ainsi ceux qui jadis soulaient, à tête basse,
 
Du triomphe romain la gloire accompagner,
Sur ces poudreux tombeaux exercent leur audace,
Et osent les vaincus les vainqueurs dédaigner.