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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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03 La rue Ravignan....

Par Jacob Max

Le coq et la perle
 
En descendant la rue de Rennes, je mordais dans mon pain avec tant d’émotion qu’il me sembla que c’était mon cœur que je déchirais.
 
Dans cette forêt bretonne où la calèche s’avance, il n’y a qu’un ange moqueur : la paysanne en rouge dans les branches qui rit de mon ignorance de la langue celtique.
 
La rue Ravignan
 
« On ne se baigne pas deux fois dans le même fleuve », disait le philosophe Héraclite. Pourtant, ce sont toujours les mêmes qui remontent ! Aux mêmes heures, ils passent gais ou tristes. Vous tous, passants de la rue Ravignan, je vous ai donné les noms des défunts de l’Histoire ! Voici Agamemnon ! voici madame Hanska ! Ulysse est un laitier ! Patrocle est au bas de la rue qu’un Pharaon est près de moi. Castor et Pollux sont les dames du cinquième. Mais toi, vieux chiffonnier, toi, qui, au féérique matin, viens enlever les débris encore vivants quand j’éteins ma bonne grosse lampe, toi que je ne connais pas, mystérieux et pauvre chiffonnier, toi, chiffonnier, je t’ai nommé d’un nom célèbre et noble, je t’ai nommé Dostoïewsky.
 
Fable sans moralité
 
Il y avait une locomotive si bonne qu’elle s’arrêtait pour laisser passer les promeneurs. Un jour, une automobile vint cahoter sur sa voie ferrée. Le chauffeur dit à l’oreille de sa monture :  « Ne dresserons-nous pas procès-verbal ?- C’est jeune, dit la locomotive, et ça ne sait pas. » Elle se borna à cracher un peu de vapeur dédaigneuse sur le sportman essoufflé.
 
Kaléidoscope
 
Tout avait l’air en mosaïque : les animaux marchaient les pattes vers le ciel sauf l’âne dont le ventre blanc portait des mots écrits et qui changeaient. La tour était une jumelle de théâtre ; il y avait des tapisseries dorées avec des vaches noires ; et la petite princesse en robe noire, on ne savait pas si sa robe avait des soleils verts ou si on la voyait par des trous de haillons.
 
Certains dédains et pas les autres
 
Le cygne du conte d’Andersen s’avançait dans le port de rivière. Nos quinconces étaient pleins de noblesse et sous la montagne verdoyante le vieux faubourg abritait des ouvriers. Mon ami, le poète romantique et moi, sur la cale à côté des lavandières nous tendions du pain au cygne du conte d’Andersen. Le cygne dédaigneux ne vit pas le pain mais le cygne n’était pas assez surpris du bruit de vos battoirs, ô laveuses, et du bruit lointain de vos querelles, ouvriers qui êtes aux portes après le repas.
 
Métempsychose
 
Ici ténèbres et silence ! les mares de sang ont la forme des nuages. Les sept femmes de Barbe-Bleue ne sont plus dans le placard. D’elles il ne reste que cette cornette en organdi ! Mais là-bas ! là-bas ! sur l’Océan, voilà sept galères , sept galères dont les cordages pendent des huniers dans la mer comme des nattes aux épaules des femmes. Elles approchent ! elles approchent ! elles sont là !
 
Le départ
 
Adieu l’étang et toutes mes colombes
Dans leur tour et qui mirent gentiment
Leur soyeux plumage au col blanc qui bombe
Adieu l’étang.
 
Adieu maison et ses toitures bleues
Où tant d’amis, dans toutes les saisons,
Pour nous revoir avaient fait quelques lieues,
Adieu maison.
 
Adieu le linge à la haie en piquants
Près du clocher !oh ! que de fois le peins-je-
Que tu connais comme t’appartenant
Adieu le linge !
 
Adieu lambris ! maintes portes vitrées.
Sur le parquet miroir si bien verni
Des barreaux blancs et des couleurs diaprées
Adieu lambris !
 
Adieux vergers, les caveaux et les planches
Et sur l’étang notre bateau voilier
Notre servante avec sa coiffe blanche
Adieu vergers.
 
Adieu aussi mon fleuve clair ovale,
Adieu montagne ! adieu arbres chéris !
C’est vous qui tous êtes ma capitale
Et non Paris.