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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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01 Madame Gervaise

Par Péguy Charles

Madame Gervaise
 
La foi que j’aime le mieux, dit Dieu, c’est l’espérance.
 
La foi ça ne m’étonne pas.
Ce n’est pas étonnant.
J’éclate tellement dans ma création.
Dans le soleil et dans la lune et dans les étoiles.
Dans toutes mes créatures.
Dans les astres du firmament et dans les poissons de la mer.
Dans l’univers de mes créatures.
Sur la face de la terre et sur la face des eaux.
Dans le mouvement des astres qui sont dans le ciel.
Dans le vent qui souffle sur la mer et dans le vent qui souffle dans la vallée.
Dans la calme vallée.
Dans la recoite vallée.
Dans les plantes et dans les bêtes et dans les bêtes des forêts.
Et dans l’homme.
Ma créature.
Dans les peuples et dans les hommes et dans les rois et dans les peuples.
Dans l’homme et dans la femme sa compagne.
Et surtout dans les enfants.
Mes créatures.
Dans le regard et dans la voix des enfants.
Car les enfants sont plus mes créatures
Que les hommes.
Ils n’ont pas encore été défaits par la vie
De la terre.
Et entre tous ils sont mes serviteurs.
Avant tous.
Et la voix des enfants est plus pure que la voix du vent dans le calme de la vallée.
Dans la vallée recoite.
Et le regard des enfants est plus pur que le bleu du ciel, que le laiteux du ciel, et qu’un rayon d’étoile dans la calme nuit.
Or j’éclate tellement dans ma création.
Sur la face des montagnes et sur la face de la plaine.
Dans le pain et dans le vin et dans l’homme qui laboure et dans l’homme qui sème et dans la moisson et dans la vendange.
Dans la lumière et dans les ténèbres.
Et dans le cœur de l’homme, qui est ce qu’il y a de plus profond dans le monde.
Créé.
Si profond qu’il est impénétrable à tout regard.
Excepté à mon regard.
Dans la tempête qui fait bondir les vagues et dans la tempête qui fait bondir les feuilles.
Des arbres dans la forêt.
Et au contraire dans le calme d’un beau soir.
Dans les sables de la mer et dans les étoiles qui sont un sable dans le ciel.
Dans la pierre du seuil et dans la pierre du foyer et dans la pierre de l’autel.
Dans la prière et dans les sacrements.
Dans les maisons des hommes et dans l’église qui est ma maison sur la terre.
Dans l’aigle ma créature qui vole sur les sommets.
L’aigle royal qui a au moins deux mètres d’envergure et peut-être trois mètres.
Et dans la fourmi ma créature qui rampe et qui amasse petitement.
Dans la terre.
Dans la fourmi mon serviteur.
Et jusque dans le serpent.
Dans la fourmi ma servante, qui amasse péniblement, la parcimonieuse.
Qui travaille comme une malheureuse et qui n’a point de cesse et qui n’a point de repos.
Que la mort et que le long sommeil d’hiver.
 
Haussant les épaules de tant d’évidence.
Devant tant d’évidence.
 
J’éclate tellement dans toute ma création.
Dans l’infime, dans toute ma créature infime, dans ma servante infime, dans la fourmi infime.
Qui thésaurise petitement, comme l’homme.
Comme l’homme infime.
Et qui creuse des galeries dans la terre.
Dans les sous-sols de la terre.
Pour y amasser mesquinement des trésors.
Temporels.
Pauvrement.
Et jusque dans le serpent.
Qui a trompé la femme et qui pour cela rampe sur le ventre.
Et qui est ma créature et qui est mon serviteur.
Le serpent qui a trompé la femme.
Ma servante.
Qui a trompé l’homme mon serviteur.
J’éclate tellement dans ma création.
Dans tout ce qui arrive aux hommes et aux peuples, et aux pauvres.
Et même aux riches.
Qui ne veulent pas être mes créatures.
Et qui se mettent à l’abri.
D’être mes serviteurs.
Dans tout ce que l’homme fait et défait de mal et de bien.
(Et moi je passe par-dessus, parce que je suis le maître, et je fais ce qu’il a défait et je défais ce qu’il a fait)
Et jusque dans la tentation du péché.
Même.
Et dans tout ce qui est arrivé à mon fils.
A cause de l’homme.
Ma créature.
Que j’avais créé.
Dans l’incorporation, dans la naissance et dans la vie et dans la mort de mon fils.
 
Et dans le saint sacrifice de la messe.
 
Dans toute naissance et dans toute vie.
Et dans toute mort.
Et dans la vie éternelle qui ne finira point.
Qui vaincra toute mort.
 
J’éclate tellement dans ma création.
 
Que pour ne pas me voir vraiment il faudrait que ces pauvres gens fussent aveugles.
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