Il y a actuellement 17 visiteurs connectés.

Ce site a reçu 3081071 visites depuis sa création.

Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

Cliquez directement sur l'auteur ou le titre de votre choix

13 Romances sans paroles

Par Verlaine Paul

Birds in the night
 
Vous n’aves pas eu toute patience,
Cela se comprend par malheur, de reste ;
Vous êtes si jeune ! et l’insouciance,
C’est le lot amer de l’âge céleste !
 
Vous n’avez pas eu toute la douceur,
Cela par malheur d’ailleurs se comprend ;
Vous êtes si jeune, ô ma froide sœur
Que votre cœur doit être indifférent !
 
Aussi me voici plein de pardons chastes,
Non, certes ! joyeux, mais très calme, en somme,
Bien que je déplore, en ces mois fastes,
D’être, grâce à vous, le moins heureux homme.
 
Et vous voyez bien que j’avais raison
Quand je vous disais, dans mes moments noirs,
Que vos yeux, foyers de mes vieux espoirs,
Ne couvraient plus rien que la trahison.
 
Vous juriez alors que c’était mensonge
Et votre regard qui mentait lui-même
Flambait comme un feu mourant qu’on prolonge,
Et de votre voix vous disiez :  « Je t’aime ! »
 
Hélas ! on se prend toujours au désir
Qu’on a d’être heureux malgré la saison…
Mais ce fut un jour plein d’amer plaisir,
Quand je m’aperçus que j’avais raison.
 
Aussi bien pourquoi me mettrais-je à geindre ?
Vous ne m’aimiez pas, l’affaire est conclue,
Et, ne voulant pas qu’on ose me plaindre,
Je souffrirai d’une âme résolue.
 
Oui, je souffrirai, car je vous aimais !
Mais je souffrirai comme un bon soldat
Blessé, qui s’en va dormir à jamais,
Plein d’amour pour quelque pays ingrat.
 
Vous qui fûtes ma Belle, ma Chérie,
Encor que de vous vienne ma souffrance,
N’êtes-vous donc pas toujours ma Patrie,
Aussi jeune, aussi folle que la France ?
 
Or, je ne veux pas- le puis-je d’abord ?-
Plonger dans ceci mes regards mouillés.
Pourtant mon amour que vous croyez mort
A peut-être enfin les yeux desillés.
 
Mon amour qui n’est que ressouvenance,
Quoique sous vos coups il saigne et qu’il pleure
Encore et qu’il doive, à ce que je pense,
Souffrir longtemps jusqu’à ce qu’il en meure,
 
Peut-être a raison de croire entrevoir
En vous un remords qui n’est pas banal,
Et d’entendre dire en son désespoir,
A votre mémoire : ah ! fi ! que c’est mal !
 
Par instants je suis le pauvre navire
Qui court démâté parmi la tempête,
Et ne voyant pas Notre-Dame luire
Pour l’engouffrement en priant s’apprête.
 
Par instants je meurs la mort du pécheur
Qui se sait damné s’il n’est confessé,
Et, perdant l’espoir de nul confesseur,
Se tord dans l’enfer qu’il a devancé.
 
O mais ! par instants, j’ai l’extase rouge
Du premier chrétien, sous la dent rapace,
Qui rit à Jésus témoin, sans que bouge
Un poil de sa chair, un nerf de sa face !
 
Green
 
Voici des fruits, des fleurs, des feuilles et des branches,
Et puis voici mon cœur, qui ne bat que pour vous.
Ne le déchirez pas avec vos deux mains blanches
Et qu’à vos yeux si beaux l’humble présent soit doux.
 
J’arrive tout couvert encore de rosée
Que le vent du matin vient glacer à mon front.
Souffrez que ma fatigue, à vos pieds reposée,
Rêve des chers instants qui la délasseront.
 
Sur votre jeune sein laissez rouler ma tête
Toute sonore encor de vos derniers baisers ;
Laissez-la s’apaiser de la bonne tempête,
Et que je dorme un peu puisque vous reposez.
 
Streets
 
Dansons la gigue !
 
J’aimais surtout ses jolis yeux,
Plus clairs que l’étoile des cieux,
J’aimais ses yeux malicieux.
 
Dansons la gigue !
 
Elle avait des façons vraiment
De désoler un pauvre amant,
Que c’en était vraiment charmant !
 
Dansons la gigue !
 
Mais je trouve encore meilleur
Le baiser de sa bouche en fleur,
Depuis qu’elle est morte à mon cœur.
 
Dansons la gigue !
 
Je me souviens, je me souviens
Des heures et des entretiens,
Et c’est le meilleur de mes biens.
 
Dansons la gigue !
 
Child wife
 
Vous n’avez rien compris à ma simplicité,
Rien, ô ma pauvre enfant !
Et c’est avec un front éventé, dépité,
Que vous fuyez devant.
 
Vos yeux qui ne devaient refléter que douceur,
Pauvre cher bleu miroir,
Ont pris un ton de fiel, ô lamentable sœur,
Qui nous fait mal à voir.
 
Et vous gesticulez avec vos petits bras
Comme un héros méchant,
En poussant d’aigres cris poitrinaires, hélas !
Vous qui n’étiez que chant !
 
Car vous avez eu peur de l’orage et du cœur
Qui grondait et sifflait,
Et vous bêlâtes vers votre mère- ô douleur !-
Comme un triste agnelet.
 
Et vous n’avez pas su la lumière et l’honneur
D’un amour brave et fort,
Joyeux dans le malheur, grave dans le bonheur,
Jeune jusqu’à la mort !
 
A poor young sheperd
 
J’ai peur d’un baiser
Comme d’une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J’ai peur d’un baiser !
 
Pourtant j’aime Kate
Et ses yeux jolis.
Elle est délicate
Aux longs traits pâlis.
Oh ! que j’aime Kate !
 
C’est Saint-Valentin !
Je dois et je n’ose
Lui dire au matin….
La terrible chose
Que Saint-Valentin !
 
Elle m’est promise,
Fort heureusement !
Mais quelle entreprise
Que d’être un amant
Près d’une promise !
 
J’ai peur d’un baiser
Comme d’une abeille.
Je souffre et je veille
Sans me reposer.
J’ai peur d’un baiser !