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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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10 Fêtes galantes

Par Verlaine Paul

Fantoches
 
Scaramouche et Pulcinella
Qu’un mauvais dessein rassembla
Gesticulent, noirs sur la lune.
 
Cependant l’excellent docteur
Bolonais cueille avec lenteur
Des simples parmi l’herbe brune.
 
Lors sa fille, piquant minois,
Sous la charmille, en tapinois,
Se glisse demi-nue, en quête
 
De son beau pirate espagnol,
Dont un langoureux rossignol
Clame la détresse à tue-tête.
 
Le faune
 
Un vieux faune de terre cuite
Rit au centre des boulingrins,
Présageant sans doute une suite
Mauvaise à ces instants sereins
 
Qui m’ont conduit et t’ont conduite
-Mélancoliques pèlerins-
Jusqu’à cette heure dont la fuite
Tournoie au son des tambourins.
 
Mandoline
 
Les donneurs de sérénades
Et les belles écouteuses
Echangent des propos fades
Sous les ramures chanteuses.
 
C’est Tircis et c’est Aminte,
Et c’est l’éternel Clitandre.
Et c’est Damis qui pour mainte
Cruelle fait maint vers tendre.
 
Leurs courtes vestes de soie,
Leurs longues robes à queues,
Leur élégance, leur joie
Et leurs molles ombres bleues
 
Tourbillonnent dans l’extase
D’une lune rose et grise,
Et la mandoline jase
Parmi les frissons de brise.
 
Les indolents
 
« Bah ! malgré les Destins jaloux,
Mourons ensemble, voulez-vous ?-
-La proposition est rare-
 
-Le rare est le bon. Donc mourons
Comme dans les Décamérons.
-Hi ! hi ! hi ! quel amant bizarre !_
 
-Bizarre, je ne sais. Amant
Irréprochable, assurément.
Si vous voulez, mourons ensemble ?
 
-Monsieur, vous raillez mieux encor
Que vous n’aimez, et parlez d’or ;
Mais taisons-nous, si bon vous semble ? »
 
Si bien que ce soir-là Tircis
Et Dorimène, à deux assis
Non loin de deux silvains hilares,
 
Eurent l’inexpiable tort
D’ajourner une exquise mort.
Hi ! hi ! hi ! les amants bizarres !
 
Colombine
 
Léandre le sot,
Pierrot qui d’un saut
De puce
Franchit le buisson,
Cassandre sous son
Capuce,
 
Arlequin aussi,
Cet aigrefin si
Fantasque,
Aux costumes fous,
Ses yeux luisants sous
Son masque,
 
-Do, mi, sol, mi, fa,-
Tout ce monde va,
Rit, chante
Et danse devant
Une belle enfant
Méchante
 
Dont les yeux pervers
Comme les yeux verts
Des chattes
Gardent ses appas
Et disent : « A bas
Les pattes ! »
 
-Eux ils vont toujours !-
Fatidique cours
Des astres,
Oh ! dis-moi vers quels
Mornes ou cruels
Désastres
 
L’implacable enfant,
Preste et relevant
Ses jupes,
La rose au chapeau,
Conduit son troupeau
De dupes ?
 
Colloque sentimental
 
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux formes ont tout à l’heure passé.
 
Leurs yeux sont morts et leurs lèvres sont molles,
Et l’on entend à peine leurs paroles.
 
Dans le vieux parc solitaire et glacé,
Deux spectres ont évoqué le passé.
 
-Te souvient-il de notre extase ancienne ?
-Pourquoi voulez-vous donc qu’il m’en souvienne ?
 
-Ton cœur bat-il toujours à mon seul nom ?
Toujours vois-tu mon âme en rêve ?- Non.
 
-Ah ! les beaux jours de bonheur indicible
Où nous joignions nos bouches !- C’est possible.
 
-Qu’il était bleu, le ciel, et grand, l’espoir !
-L’espoir a fui, vaincu, vers le ciel noir.
 
Tels ils marchaient dans les avoines folles,
Et la nuit seule entendit leurs paroles.