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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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09 Fêtes galantes

Par Verlaine Paul

Clair de lune
 
Votre âme est un paysage choisi
Que vont charmants masques et bergamasques
Jouant du luth, et dansant, et quasi
Tristes sous leurs déguisements fantasques.
 
Tout en chantant sur le mode mineur
L’amour vainqueur et la vie opportune,
Ils n’ont pas l’air de croire à leur bonheur
Et leur chanson se mêle au clair de lune,
 
Au calme clair de lune triste et beau,
Qui fait rêver les oiseaux dans les arbres
Et sangloter d’extase les jets d’eau,
Les grands jets d’eau sveltes parmi les marbres.
 
Pantomine
 
Pierrot, qui n’a rien d’un Clitandre,
Vide un flacon sans plus attendre,
Et, pratique, entame un pâté ;
 
Cassandre, au fond de l’avenue,
Verse une larme méconnue
Sur son neveu déshérité.
 
Ce faquin d’arlequin combine
L’enlèvement de Colombine
Et pirouette quatre fois.
 
Colombine rêve, surprise
De sentir un cœur dans la brise
Et d’entendre en son cœur des voix.
 
Sur l’herbe
 
L’abbé divague- Et toi, marquis,
Tu mets de travers ta perruque.
-Ce vieux vin de Chypre est exquis,
Moins, Camargo, que votre nuque.
 
-Ma flamme….-Do, mi, sol, la, si.
-L’abbé, ta noirceur se dévoile !
-Que je meure, Mesdames, si
Je ne vous décroche une étoile !
 
-Je voudrais être petit chien !
-Embrassons nos bergères, l’une
Après l’autre.-Messieurs, eh bien,
-Do, mi, sol.- Hé ! bonsoir, la lune !
 
L’allée
 
Fardée et peinte comme au temps des bergeries,
Frêle parmi les nœuds énormes de rubans,
Elle passe, sous les ramures assombries,
Dans l’allée où verdit la mousse des vieux bancs,
Avec mille façons et mille afféteries
Qu’on garde d’ordinaire aux perruches chéries.
Sa longue robe à queue est bleue, et l’éventail
Qu’elle froisse en ses doigts fluets aux larges bagues
S’égaie en des sujets érotiques, si vagues
Qu’elle sourit, tout en rêvant, à maint détail.
-Blonde en somme. Le nez mignon avec la bouche
Incarnadine, grasse, et divine d’orgueil
Inconscient.-  D’ailleurs plus fine que la mouche
Qui ravive l’éclat un peu niais de l’œil.
 
Les ingénus
 
Les hauts talons luttaient avec les longues jupes,
En sorte que, selon le terrain et le vent,
Parfois luisaient des bas de jambes, trop souvent
Interceptés !- et nous aimions ce jeu de dupes.
 
Parfois aussi le dard d’un insecte jaloux
Inquiétait le col des belles sous les branches,
Et c’étaient des éclairs soudains de nuques blanches,
Et ce régal comblait nos jeunes yeux de fous.
 
Le soir tombait, un soir équivoque d’automne :
Les belles, se pendant rêveuses à nos bras,
Dirent alors des mots si spécieux, tout bas,
Que notre âme depuis ce temps tremble et s’étonne.
 
 
 
 
 

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