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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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052 Les feuilles d'automne

Par Hugo Victor

Ce qu’on entend sur la montagne (extraits)
 
Avez-vous quelquefois, calme et silencieux,
Monté sur la montagne, en présence des cieux ?
Etait-ce aux bords du Sund ? aux côtes de Bretagne ?
Aviez-vous l’océan au pied de la montagne ?
Et là, penché sur l’onde et sur l’immensité,
Calme et silencieux avez-vous écouté ?
 
Voici ce qu’on entend. Du moins un jour qu’en rêve
Ma pensée abattit son vol sur une grève
Et, du sommet d’un mont plongeant au gouffre amer,
Vit d’un côté la terre et de l’autre la mer,
J’écoutai, j’entendis, et jamais voix pareille
Ne sortit d’une bouche et n’émut une oreille.
 
Ce fut d’abord un bruit large, immense, confus,
Plus vague que le vent dans les arbres touffus,
Plein d’accords éclatants, de suaves murmures,
Doux comme un chant du soir, fort comme un choc d’armures
Quand la sourde mêlée étreint les escadrons
Et souffle, furieuse, aux bouches des clairons.
C’était une musique ineffable et profonde,
Qui, fluide, oscillait sans cesse autour du monde……
 
A un voyageur (extraits)
 
Ami, vous revenez d’un de ces longs voyages
Qui nous font vieillir vite et nous changent en sages
Au sortir du berceau.
De tous les océans votre course a vu l’onde,
Hélas ! et vous feriez une ceinture au monde
Du sillage du vaisseau.
 
Le soleil de vingt cieux a mûri votre vie.
Partout où vous mena votre inconstante envie,
Jetant et ramassant,
Pareil au laboureur qui récolte et qui sème,
Vous avez pris des lieux et laissé de vous-même
Quelque chose en passant ;
 
Tandis que votre ami, moins heureux et moins sage,
Attendait des saisons l’uniforme passage
Dans le même horizon,
Et comme l’arbre vert qui de loin la dessine,
A sa porte effeuillant ses jours, prenait racine
Au seuil de sa maison….
 
……Or, maintenant, le cœur plein de choses profondes,
Des enfants dans vos mains tenant les têtes blondes,
Vous me parlez ici,
Et vous me demandez, sollicitude amère !
« Où donc ton père ? où donc ton fils, où donc ta mère ! »
Ils voyagent aussi !
 
Le voyage qu’ils font n’a ni soleil ni lune ;
Nul homme n’y peut rien porter de sa fortune,
Tant le maître est jaloux !
Le voyage qu’ils font est profond et sans bornes,
On le fait à pas lents, parmi des faces mornes,
Et nous le ferons tous !
 
J’étais à leur départ comme j’étais au vôtre.
En diverses saisons, tous trois, l’un après l’autre,
Ils ont pris leur essor.
Hélas ! j’ai mis en terre, à cette heure suprême,
Ces têtes que j’aimais ? Avare, j’ai moi-même
Enfoui mon trésor…..
 
….Maintenant ils sont là, tous trois dorment dans l’ombre,
Tandis que leurs esprits font le voyage sombre,
Et vont où nous irons.
 
Si vous voulez, à l’heure où la lune décline,
Nous monterons tous deux la nuit sur la colline
Où gisent nos aïeux.
Je vous dirai, montrant à votre vue amie
La ville morte auprès de la ville endormie :
Laquelle dort le mieux ?
 
Venez ; muets tous deux et couchés contre terre,
Nous entendrons, tandis que Paris fera taire
Son vivant tourbillon,
Ces millions de morts, moisson du fils de l’homme,
Sourdre confusément dans leurs sépulcres, comme
Le grain dans le sillon.
 
Combien vivent joyeux, qui devaient, sœurs ou frères,
Faire un pleur éternel de quelques ombres chères !
Pouvoir des ans vainqueurs !
Les morts durent bien peu. Laissons-les sous la pierre !
Hélas ! dans le cercueil ils tombent en poussière
Moins vite qu’en nos cœurs !
 
Voyageur ! voyageur ! Quelle est notre folie !
Qui sait combien de morts à chaque heure on oublie,
Des plus chers, des plus beaux ?
Qui peut savoir combien toute douleur s’émousse,
Et combien sur la terre un jour d’herbe qui pousse
Efface de tombeaux ?
 
A M de Lamartine (extraits)
 
…..Voilà quelle était ma pensée,
Quand sur le flot sombre et grossi
Je risquai ma nef insensée,
Moi, je cherchais un monde aussi !.....
 
….Seul je suis resté sous la nue.
Depuis, l’orage continue,
Le temps est noir, le vent mauvais ;
L’ombre m’enveloppe et m’isole,
Et, si je n’avais ma boussole,
Je ne saurais pas où je vais…..
 
….Oublie l’onde et l’aventure,
Et le labeur de la mâture,
Et le souffle orageux du nord ;
Triomphe à l’abri des naufrages,
Et ris-toi de tous les orages
Qui rongent les chaînes du port !......
 
30 (extraits)
 
….Sans doute ils sont heureux les héros, les poètes,
Ceux que le bras fait rois, ceux que l’esprit fait dieux.
Il est beau, conquérant, législateur, prophète,
De marcher dépassant les hommes de la tête,
D’être en la nuit de tous un éclatant flambeau ;
Et que de vos vingt ans vingt siècles se souviennent !...
Voilà ce que je dis. Puis des pitiés me viennent
Quand je pense à tous ceux qui sont dans les tombeaux !