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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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04 Marot prisonnier escrit au Roy

Par Marot Clément

07 Marot prisonnier escrit au Roy
 
Roy des Françoys, plein de toutes bontez,
Quinze jours a (je les ay contez),
Et dès demain seront justement seize,
Que je fus faict confrère au diocèse
De Sainct Marry en l’église Sainct Pris :
Si vous diray comment je fuz surpris,
Et me desplaist qu’il fault que je le die.
Trois grands pendards vindrent à l’estourdie
En ce palais, me dire en désarroy :
« Nous vous faisons prisonnier par le Roy. »
Incontinent qui fut bien estonné ?
Ce fut Marot, plus que s’il eust tonné.
Puis m’ont monstré un parchemin escrit,
Où n’y avoit seul mot de Jésus-Christ :
Il ne parloit tout que de playderie,
De conseillers et d’emprisonnerie.
« Vous souvient-il (ce me dirent-ilz lors)
Que vous estiez l’autre jour là-dehors,
Qu’on secourut un certain prisonnier
Entre noz mains ? » Et moy de le nier :
Car soyez sûr, si j’eusse dict ouy,
Que le plus sourd d’entre eulx m’eust bien ouy,
Et, d’autre part, j’eusse publiquement
Esté menteur : car pourquoy et comment
Eussé-je peu un autre recourir,
Quand je n’ay sceu moy mesme secourir ?
Pour faire court, je ne sceu tant prescher
Que ces paillards me voulsissent fascher.
Sur mes deux bras ilz ont la main posée,
Et m’ont mené ainsi qu’une espousée,
Non pas ainsi, mais plus roide un petit
Et toutesfoys j’ay plus grand appétit
De pardonner à leur folle fureur
Qu’à celle-là de mon beau procureur.
Que male mort les deux jambes luy casse !
Il a bien prins de moy une bécasse,
Une perdrix, et un levreau aussi :
Et toutesfoys je suis encor icy,
Encor je croy, si j’en envoyois plus,
Qu’il le prendroit, car ilz ont tant de glus
Dedans leurs mains, ces faiseurs de pipée,
Que toute chose où touchent est grippée.
Mais pour venir au poinct de ma sortie :
Tout doulcement j’ay chanté ma partie,
Que nous avons bien accordé ensemble,
Si que n’ay plus affaire, ce me semble,
Sinon à vous. La partie est bien forte ;
Mais le droict poinct, où je me réconforte,
Vous n’entendez procès non plus que moy ;
Ne plaidons poinct : ce n’est que tout esmoy.
Je vous en croy, si je vous ay mesfaict.
Encore posé le cas que l’eusse faict,
Au pis aller n’y cherroit qu’une amende.
Prenez le cas que je vous la demande ;
Je prends le cas que vous me la donnez ;
Et si plaideurs furent onc estonnez
Mieulx que ceux-cy, je veulx qu’on me délivre,
Et que soudain en ma place on les livre.
Si vous supply (Syre) mander par lettre
Qu’en liberté vos gens me veuillent mettre ;
Et si j’en sors, j’espère qu’à grand’peine
M’y reverront, si on ne m’y rameine.
Très humblement requerrant vostre grace
De pardonner à ma trop grand’audace
D’avoir emprins ce sot escript vous faire,
Et m’excusez si pour le mien affaire
Je ne suis point vers vous allé parler :
Je n’ay pas eu le loysir d’y aller.