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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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13 Elégie....

Par Ronsard Pierre de

Elégie
Contre les bûcherons de la forêt de Gastine (extraits)


Ecoute, bûcheron, arrête un peu le bras ;
Ce ne sont pas des bois que tu jettes à bas ;
Ne vois-tu pas le sang lequel dégoutte à force
Des nymphes qui vivaient dessous la dure écorce ?
Sacrilège meurtrier, si on pend un voleur
Pour piller un butin de bien peu de valeur,
Combien de feux, de fers, de morts et de détresses
Mérites-tu, méchant, pour tuer nos déesses ?
Forêt, haute maison des oiseaux bocagers !
Plus le cerf solitaire et les chevreuils légers
Ne paîtront sous ton ombre, et ta verte crinière
Plus du soleil d’été ne rompra la lumière.
Plus l’amoureux pasteur sur un tronc adossé
Enflant son flageolet à quatre trous percé,
Son mâtin à ses pieds, à son flanc la houlette,
Ne dira plus l’ardeur de sa belle Janette.
Tout deviendra muet, Echo sera sans voix ;
Tu deviendras campagne, et, en lieu de tes bois,
Dont l’ombrage incertain lentement se remue,
Tu sentiras le soc, le coutre et la charrue ;
Tu perdras le silence, et haletants d’effroi
Ni Satyres ni Pans ne viendront plus chez toi .
Adieu, vieille forêt, le jouet de Zéphire,
Où premier j’accordai les langues de ma lyre,
Où premier j’entendis les flèches résonner
D’Apollon, qui me vint tout le cœur étonner,
Où premier, admirant ma belle Calliope,
Je devins amoureux de sa neuvaine trope,
Quand sa main sur le front cent roses me jeta,
Et de son propre lait Euterpe m’allaita.
Adieu, vieille forêt, adieu têtes sacrées,
De tableaux et de fleurs autrefois honorées,
Maintenant le dédain des passants altérés,
Qui, brûlés en l’été des rayons éthérés,
Sans plus trouver le frais de tes douces verdures,
Accusent tes meurtriers et leur disent injures.
Adieu, chênes, couronne aux vaillants citoyens,
Arbres de Jupiter, germes Dodonéens,
Qui premier aux humains donnâtes à repaître ;
Peuples vraiment ingrats, qui n’ont su reconnaître
Les biens reçus de vous, peuples vraiment grossiers
De massacrer ainsi leurs pères nourriciers !
Que l’homme est malheureux qui au monde se fie !
O dieux, que véritable est la philosophie,
Qui dit que toute chose à la fin périra,
Et qu’en changeant de forme une autre vêtira !
De Tempé la vallée un jour sera montagne,
Et la cime d’Athos une large campagne ;
Neptune quelquefois de blé sera couvert :
La matière demeure et la forme se perd.


Stances
I


Je n’ai plus que les os, un squelette je semble,
Décharné, dénervé, démusclé, dépulpé,
Que le trait de la mort sans pardon a frappé ;
Je n’ose voir mes bras, de peur que je ne tremble.

Apollon et son fils, deux grands maîtres ensemble,
Ne me sauraient guérir, leur métier m’a trompé ;
Adieu, plaisant soleil ! mon œil est étoupé,
Mon corps s’en va descendre où tout se désassemble.

Quel ami, me voyant à ce point dépouillé,
Ne remporte au logis un œil triste et mouillé,
Me consolant au lit, et me baisant la face,

En essuyant mes yeux par la mort endormi ?
Adieu, chers compagnons ! adieu, mes chers amis !
Je m’en vais le premier vous préparer la place.


Stances
II


Méchantes nuits d’hiver, nuits filles de Cocyte
Que la terre engendra, d’Encelade les sœurs,
Serpentes d’Alecton, et fureur des fureurs,
N’approchez de mon lit, ou bien tournez plus vite.

Que fait tant le Soleil au giron d’Amphitrite ?
Lève-toi, je languis accablé de douleurs :
Mais ne pouvoir dormir c’est bien de mes malheurs
Le plus grand, qui ma vie et chagrine et dépite.

Seize heures pour le moins je meurs les yeux ouverts,
Me tournant, me virant de droit et de travers,
Sus l’un, sus l’autre flanc je tempête, je crie.

Inquiet je ne puis en un lieu me tenir,
J’appelle en vain le jour, et la mort je supplie,
Mais elle fait la sourde, et ne veut pas venir.


Stances (extraits)
III


Ah ! longues nuits d’hiver, de ma vie bourelles,
Donnez-moi patience et me laissez dormir !
Votre nom seulement et suer et frémir
Me fait par tout le corps, tant vous m’êtes cruelles.

Le sommeil tant soit peu n’évente de ses ailes
Mes yeux toujours ouverts, et ne puis affermir
Paupière sur paupière, et ne fais que gémir,
Souffrant, comme Ixion, des peines éternelles….

…Pour chasser mes douleurs amène-moi la mort ;
Ha, Mort ! le port commun, des hommes le confort,
Viens enterrer mes maux, je t’en prie à mains jointes.