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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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11 Bergerie....

Par Ronsard Pierre de

Bergerie (extraits)
Dédiée à la reine d’Ecosse


…Puisque le lieu, le temps, la saison et l’envie,
Qui s’échauffent d’amour, à chanter nous convie,
Chantons donques, bergers, et en mille façons
A ces vertes forêts apprenons nos chansons.
Ici de cent couleurs s’émaille la prairie,
Ici la tendre vigne aux ormeaux se marie,
Ici l’ombrage frais va les feuilles mouvant
Errantes çà et là sous l’haleine du vent :
Ici de pré en pré les soigneuses avettes
Vont baisant et suçant les odeurs des fleurettes :
Ici le gazouillis enroué des ruisseaux
S’accorde doucement aux plaintes des oiseaux :
Ici entre les pins les Zéphires s’entendent…..
….L’autre jour que j’étais assis près d’un ruisseau,
Radoubant ma musette avecque mon alêne,
Je vis dessus le bord le tige d’un beau frêne
Droit, sans nœuds et sans plis : lors me levant soudain
J’empoignai d’allégresse un goy dedans la main,
Puis coupant par le pied le bois armé d’écorce,
Je le fis chanceler et trébucher à force
Dessus le pré voisin étendu de son long :
En quatre gros quartiers j’en fis scier le tronc,
Au soleil je séchai sa verdeur consumée,
Puis j’endurcis le bois pendu à la fumée.
A la fin le baillant à Jean, ce bon ouvrier
M’en fit une houlette, et si n’y a chevrier
Ni berger en ce bois qui ne donnât pour elle
La valeur d’un taureau, tant elle semble belle :
Elle a par artifice un million de nouds,
Pour mieux tenir la main, tous marquetés de clous ;
Et afin que son pied ne se gâte à la terre,
Un cercle fait d’airain de tous côtés le serre :
Une pointe de fer le bout du pied soutient….
….L’anse est faite de cuivre, et le haut de fer blanc
Un peu long et courbé, où pourraient bien de rang
Deux mottes pour jeter au troupeau qui s’égare,
Tant le fer est creusé d’un artifice rare….


La salade (extraits)
A Amadis Jamyn


….Puis, en lisant l’ingénieux Ovide
En ces beaux vers où d’amour il est guide,
Reguagnerons le logis pas à pas.
Là, recoursant jusqu’au coude nos bras,
Nous laverons nos herbes à main pleine
Au cours sacré de ma belle fontaine,
La blanchirons de sel en mainte part,
L’arroserons de vinaigre rosart,
L’engraisserons de l’huile de Provence :
L’huile qui vient aux oliviers de France
Rompt l’estomac et ne vaut du tout rien.
Voilà, Jamyn, voilà mon souv’rain bien,
En attendant que de mes veines parte
Cette exécrable, horrible fièvre quarte
Qui me consomme et le corps et le cœur
Et me fait vivre en extrême langueur.
Tu me diras que la fièvre m’abuse,
Que je suis fol, ma salade, et ma Muse ;
Tu diras vrai ; je le veux être aussi :
Telle fureur me guérit mon souci.
Tu me diras que la vie est meilleure
Des importuns, qui vivent à toute heure
Auprès des rois en crédit et bonheur,
Enorgueillis de pompes et d’honneur :
Je le sais bien ; mais je ne le veux faire,
Car telle vie à la mienne est contraire.
Il faut mentir, flatter et courtiser,
Rire sans ris, sa face déguiser
Au front d’autrui, et je ne le veux faire :
Car telle vie à la mienne est contraire.
Je suis, pour suivre à la trace la cour,
Trop maladif, trop paresseux et sourd,
Et trop craintif ; au reste je demande
Un doux repos et ne veux plus qu’on pende,
Comme un poignard, les soucis sur mon front.
En peu de temps les courtisans s’en vont
En chef grison, ou meurent sur un coffre.
Dieu pour salaire un tel présent leur offre
D’avoir gâté leur gentil naturel
Pour amasser trop de bien temporel,
Bien incertain, qui tout soudain se passe
Sans parvenir à la troisième race.
Car la Fortune aux retours inconstants
Ne peut souffrir l’ambitieux longtemps,
Montrant par lui d’une chute soudaine
Que c’est du vent que la farce mondaine…
…C’est trop prêché, donne-moi ma salade.
-Trop froide elle est, dis-tu, pour un malade.
-Hé quoi ! Jamyn, tu fais le médecin !
Laisse-moi vivre au moins jusqu’à la fin
Tout à mon aise, et ne sois triste augure
Soit à ma vie ou à ma mort future.
Car tu ne peux, ni moi, pour tout secours
Faire plus longs ou plus petits nos jours.
Il faut charger la barque charontée :
La barque, c’est une bière voûtée
Faite en bateau ; le naître est le trépas ;
Sans naître ici, l’homme ne mourrait pas.
Fol qui d’ailleurs autre bien se propose !
Naissance et mort est une même chose.