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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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06 Ode...

Par Ronsard Pierre de

Ode (extraits)

Quand je suis vingt ou trente mois
Sans retourner en Vendômois,
Plein de pensées vagabondes,
Plein d’un remord et d’un souci,
Aux rochers je me plains ainsi,
Aux bois, aux antres, et aux ondes :

Rochers, bien que soyez âgés
De trois mil ans, vous ne changez
Jamais ni d’état ni de forme :
Mais toujours ma jeunesse fuit,
Et la vieillesse qui me suit,
De jeune en vieillard me transforme.

Bois, bien que perdiez tous les ans
En l’hiver vos cheveux plaisans,
L’a d’après qui se renouvelle,
Renouvelle aussi votre chef :
Mais le mien ne peur derechef
R’avoir sa perruque nouvelle.

Antres, je me suis vu chez vous
Avoir jadis verts les genoux,
Le corps habile, et la main bonne :
Mais ores j’ai le corps plus dur,
Et les genoux, que n’est le mur
Qui froidement vous environne.

Ondes, sans fin vous promenez,
Et vous menez et ramenez
Vos flots d’un cours qui ne séjourne :
Et moi sans faire long séjour
Je m’en vais de nuit et de jour
Au lieu d’où plus on ne retourne….


Ode

Ma douce jouvence est passée,
Ma première force est cassée,
J’ai la dent noire et le chef blanc,
Mes nerfs sont dissous, et mes veines,
Tant j’ai le corps froid, ne sont pleines
Que d’une eau rousse en lieu de sang.

Adieu ma lyre, adieu, fillettes,
Jadis mes douces amourettes,
Adieu, je sens venir ma fin :
Nul passetemps de ma jeunesse
Ne m’accompagne en la vieillesse,
Que le feu, le lit et le vin.

J’ai la tête toute élourdie
De trop d’ans et de maladie ;
De tous côtés le soin me mord,
Et soit que j’aille ou que je tarde,
Toujours après moi je regarde
Si je verrai venir la Mort,

Qui doit, ce me semble, à toute heure
Me mener là-bas, où demeure
Je ne sais quel Pluton, qui tient
Ouvert à tous venants un antre
Où bien facilement on entre
Mais d’où jamais on ne revient.


A Pontus de Tyard

Tyard, on me blâmoit à mon commencement,
De quoi j’étais obscur au simple populaire :
Mais on dit aujourd’hui que je suis au contraire,
Et que je me démens, parlant trop bassement.

Toi, de qui le labeur enfante doctement
Des livres immortels, dis-moi, que dois-je faire ?
Dis-moi (car tu sais tout) comme dois-je complaire
A ce monstre têtu, divers en jugement ?

Quand je tonne en mes vers, il a peur de me lire :
Quand ma voix se désenfle, il ne fait qu’en médire.
Dis-moi de quels liens, force, tenaille et clous,

Tiendrai-je ce Proté, qui se change à tous coups ?
Tyard, je t’entends bien, il le faut laisser dire,
Et nous rire de lui, comme il se rit de nous.