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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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07 Poèmes saturniens

Par Verlaine Paul

Dans les bois (extraits)

 

D’autres, -des innocents ou bien des lymphatiques,-

Ne trouvent dans les bois que charmes langoureux,

Souffles frais et parfums tièdes. Ils sont heureux !

D’autres s’y sentent pris- rêveurs- d’effrois mystiques.

 

Ils sont heureux ! Pour moi, nerveux, et qu’un remords

Epouvantable et vague affole sans relâche,

Par les forêts je tremble à la façon d’un lâche

Qui craindrait une embûche ou qui verrait des morts.

 

….La nuit vient. Le hibou s’envole. C’est l’instant

Où l’on songe aux récits des aïeules naïves…

Sous un fourré, là-bas, là-bas, des sources vives

Font un bruit d’assassins postés se concertant.

 

Nocturne parisien (extraits)

 

…Toi, Seine, tu n’as rien. Deux quais, et voilà tout,

Deux quais crasseux, semés de l’un à l’autre bout

D’affreux bouquins moisis et d’une foule insigne

Qui fait dans l’eau des ronds et qui pêche à la ligne.

Oui, mais quand vient le soir, raréfiant enfin

Les passants alourdis de sommeil ou de faim,

Et que le couchant met au ciel des taches rouges,

Qu’il fait bon aux rêveurs descendre de leurs bouges

Et, s’accoudant au pont de la Cité, devant

Notre-Dame, songer, cœur et cheveux au vent !

Les nuages, chassés par la brise nocturne,

Courent, cuivreux et roux, dans l’azur taciturne.

Sur la tête d’un roi du portail, le soleil

Au moment de mourir, pose un baiser vermeil.

L’hirondelle s’enfuit à l’approche de l’ombre

Et l’on voit voleter la chauve-souris sombre.

Tout bruit s’apaise autour. A peine un vague son

Dit que la ville est là qui chante sa chanson,

Qui lèche ses tyrans et qui mord ses victimes ;

Et c’est l’aube des vols, des amours et des crimes.

Puis, tout à coup, ainsi qu’un ténor effaré

Lançant dans l’air bruni son cri désespéré,

Son cri qui se lamente, et se prolonge, et crie,

Eclate en quelque coin l’orgue de Barbarie :

Il brame un de ces airs, romances ou polkas,

Qu’enfants nous tapotions sur nos harmonicas

Et qui font, lents ou vifs, réjouissants ou tristes,

Vibrer l’âme aux proscrits, aux femmes, aux artistes.

C’est écorché, c’est faux, c’est horrible, c’est dur,

Et donnerait la fièvre à Rossini, pour sûr ;

Ces rires sont traînés, ces plaintes sont hachées ;

Sur une clef de sol impossible juchées,

Les notes ont un rhume et les do sont des la,

Mais qu’importe ! l’on pleure en entendant cela !

Mais l’esprit, transporté dans le pays des rêves,

Sent à ces vieux accords couler en lui des sèves ;

La pitié monte au cœur et les larmes aux yeux,

Et l’on voudrait pouvoir goûter la paix des cieux….

….Et puis l’orgue s’éloigne, et puis c’est le silence

Et la nuit terne arrive et Vénus se balance

Sur une molle nue au fond des cieux obscurs ;

On allume les becs de gaz le long des murs.

Et l’astre et les flambeaux font des zigzags fantasques

Dans le fleuve plus noir que le velours des masques…..