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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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06 Poèmes saturniens

Par Verlaine Paul

Monsieur Prudhomme

 

Il est grave : il est maire et père de famille.

Son faux col engloutit son oreille. Ses yeux

Dans un rêve sans fin flottent, insoucieux,

Et le printemps en fleur sur ses pantoufles brille.

 

Que lui fait l’astre d’or, que lui fait la charmille

Où l’oiseau chante à l’ombre, et que lui font les cieux,

Et les prés verts et les gazons silencieux ?

Monsieur Prudhomme songe à marier sa fille.

 

Avec monsieur Machin, un jeune homme cossu.

Il est juste milieu, botaniste et pansu.

Quant aux faiseurs de vers, ces vauriens, ces maroufles,

 

Ces fainéants barbus, mal peignés, il les a

Plus en horreur que son éternel coryza,

Et le printemps en fleur brille sur ses pantoufles.

 

Initium

 

Les violons mêlaient leur rire au chant des flûtes

Et le bal tournoyait quand je la vis passer

Avec ses cheveux blonds jouant sur les volutes

De son oreille où mon Désir comme un baiser

S’élançait et voulait lui parler sans oser.

 

Cependant elle allait, et la mazurque lente

La portait dans son rythme indolent comme un vers,

-Rime mélodieuse, image étincelante,-

Et son âme d’enfant rayonnait à travers

La sensuelle ampleur de ses yeux gris et verts.

 

Et depuis, ma Pensée- immobile- contemple

Sa Splendeur évoquée, en adoration,

Et dans son Souvenir, ainsi que dans un temple,

Mon Amour entre, plein de superstition.

 

Et je crois que voici venir la Passion.

 

Cavitrî

 

Pour sauver son époux, Cavitrî fit le vœu

De se tenir trois jours entiers, trois nuits entières,

Debout, sans remuer jambes, buste ou paupières :

Rigide, ainsi que dit Vyaça, comme un pieu.

 

Ni Curya, tes rais cruels, ni la langueur

Que Tchandra vient épandre à minuit sur les cimes

Ne firent défaillir, dans leurs efforts sublimes,

La pensée et la chair de la femme au grand cœur.

 

Que nous cerne l’Oubli, noir et morne assassin,

Ou que l’Envie aux traits amers nous ait pour cibles,

Ainsi que Cavitri faisons-nous impassibles,

Mais, comme elle, dans l’âme ayons un haut dessein.