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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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02 Poèmes saturniens

Par Verlaine Paul

Vœu

 

Ah ! les oaristys ! les premières maîtresses !

L’or des cheveux, l’azur des yeux, la fleur des chairs,

Et puis, parmi l’odeur des corps jeunes et chers,

La spontanéité craintive des caresses !

 

Sont-elles assez loin, toutes ces allégresses

Et toutes ces candeurs ! Hélas ! toutes devers

Le Printemps des regrets ont fui les noirs hivers

De mes ennuis, de mes dégoûts, de mes détresses !

 

Si que me voilà seul à présent, morne et seul,

Morne et désespéré, plus glacé qu’un aïeul,

Et tel qu’un orphelin pauvre sans sœur aînée.

 

O la femme à l’amour câlin et réchauffant,

Douce, pensive et brune, et jamais étonnée,

Et qui parfois vous baise au front, comme un enfant !

 

Lassitude

 

De la douceur, de la douceur, de la douceur !

Calme un peu ces transports fébriles, ma charmante.

Même au fort du déduit parfois, vois-tu, l’amante

Doit avoir l’abandon paisible de la sœur.

 

Sois langoureuse, fais ta caresse endormante,

Bien égaux tes soupirs et ton regard berceur.

Va, l’éteinte jalouse et le spasme obsesseur

Ne valent pas un long baiser, même qui mente !

 

Mais dans ton cher cœur d’or, me dis-tu, mon enfant,

La fauve passion va sonnant l’olifant !...

Laisse-la trompetter à son aise, la gueuse !

 

Mets ton front sur mon front et ta main dans ma main,

Et fais-moi des serments que tu rompras demain,

Et pleurons jusqu’au jour, ô petite fougueuse !

 

Mon rêve familier

 

Je fais souvent ce rêve étrange et pénétrant

D’une femme inconnue, et que j’aime, et qui m’aime,

Et qui n’est, chaque fois, ni tout à fait la même

Ni tout à fait une autre, et m’aime et me comprend.

 

Car elle me comprend, et mon cœur transparent

Pour elle seule, hélas! cesse d’être un problème

Pour elle seule, et les moiteurs de mon front blême,

Elle seule les sait rafraîchir, en pleurant.

 

Est-elle brune, blonde ou rousse ? Je l’ignore,

Son nom ? Je me souviens qu’il est doux et sonore

Comme ceux des aimés que la Vie exila.

 

Son regard est pareil au regard des statues

Et, pour sa voix, lointaine, et calme, et grave, elle a

L’inflexion des voix chères qui se sont tues.

 

L’angoisse

 

Nature, rien de toi ne m’émeut, ni les champs

Nourriciers, ni l’écho vermeil des pastorales

Siciliennes, ni les pompes aurorales,

Ni la solennité dolente des couchants.

 

Je ris de l’Art, je ris de l’Homme aussi, des chants,

Des vers, des temples grecs et des tours en spirales

Qu’étirent dans le ciel vide les cathédrales,

Et je vois du même œil les bons et les méchants.

 

Je ne crois pas en Dieu, j’abjure et je renie

Toute pensée, et quant à la vieille ironie,

L’Amour, je voudrais bien qu’on ne m’en parlât plus.

 

Lasse de vivre, ayant peur de mourir, pareille

Au brick perdu jouet du flux et du reflux,

Mon âme pour d’affreux naufrages appareille.