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Poètes du temps passé


Sur cette page, vous trouverez une sélection de poèmes.

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01 Extraits

Par Vigny Alfred de

Le voyage d’Héléna (extraits)

 

« ..Le spectacle des mers est grand et solennel ;

Ce mobile désert, bruyant et monotone,

Attriste la pensée encor plus qu’il n’étonne ;

Et l’homme, entre le ciel et les ondes jeté,

Se plaint d’être si peu devant l’immensité.. »

 

« ..Vois cet astre si pur dont la nuit se décore..

Elle vient, le vent tombe et la terre fleurit ;

La mer, sous ses pieds blancs, s’apaise et lui sourit.. »

 

La tristesse d’Héléna (extraits)

 

« ..Des maux non mérités je me suis étonnée,

Et je n’ai pas compris d’abord ma destinée.. »

 

La Dryade (extraits)

 

« ..L’un parait son front blanc de myrte et de lotus ;

L’autre, ses cheveux bruns de pampres revêtus,

Offrait à la Dryade une coupe d’argile…

J’entendis leur prière, et de leur simple histoire

Les Muses et le temps m’ont laissé la mémoire . »

 

« …Ainsi, quand je te vois, ô modeste bergère,

Fouler de tes pieds nus la riante fougère,

J’appelle autour de moi les pâtres nonchalants…

..Et crie, en te suivant dans ta course rebelle :

« Venez ! oh ! venez voir comme Glycère est belle ! »

 

Symétha (extraits)

 

« ..Tu pars ; et cependant m’as-tu toujours haï,

Symétha ? Non, ton cœur quelquefois s’est trahi ;

Car, lorsqu’un mot flatteur abordait ton oreille,

La pudeur souriait sur ta lèvre vermeille ;

Je l’ai vu, ton sourire aussi beau que le jour ;

Et l’heure du sourire est l’heure de l’amour… »

 

« …Dans le port du Pirée, un jour fut entendue

Cette plainte innocente, et cependant perdue ;

Car la vierge enfantine, auprès des matelots,

Admirait et la rame et l’écume des flots ;

Puis, sur la haute poupe accourue et couchée

Saluait, dans la mer, son image penchée,

Et lui jetait des fleurs et des rameaux flottants

Et riait de leur chute et les suivait longtemps ;

Ou, tout à coup rêveuse, écoutait le Zéphyre,

Qui, d’une aile invisible, avait ému sa lyre.. »

 

Le bain (extraits)

 

« ..C’était près d’une source à l’ombre pure et sombre ;

Le large sycomore y répandait son ombre.

Là, Suzanne, cachée aux cieux déjà brûlants,

Suspend sa rêverie et ses pas indolents ;

Sur une jeune enfant que son amour protège

S’appuie, et sa voix douce appelle le cortège

Des filles de Juda, de Gad et de Ruben,

Qui doivent la servir et la descendre au bain ;

Et toutes à l’envi, rivales attentives,

Détachent sa parure entre leurs mains actives.

L’une ôte la tiare où brille le saphir

Dans l’éclat arrondi de l’or poli d’Ophir ;

Aux cheveux parfumés dérobe leurs longs voiles,

Et la gaze brodée en tremblantes étoiles ;

La perle, sur son front enlacée en bandeau,

Ou pendante à l’oreille en mobile fardeau ;

Les colliers de rubis, et, par des bandelettes,

L’ambre au cou suspendu dans l’or des cassolettes… »

 

Ode au malheur (extraits)

 

« Suivi du Suicide impie,

A travers les pâles cités,

Le Malheur rôde, il nous épie,

Près de nos seuils épouvantés…

..Où fuir ? Sur le seuil de ma porte

Le Malheur un jour s’est assis ;

Et depuis ce jour je l’emporte

A travers mes jours obscurcis.

Au soleil, et dans les ténèbres,

En tous lieux ses ailes funèbres

Me couvrent comme un noir manteau ;

De mes douleurs ses bras avides

M’enlacent ; et ses mains livides

Sur mon cœur tiennent le couteau…

Il me parle dans le silence,

Et mes nuits entendent sa voix ;

Dans les arbres il se balance

Quand je cherche la paix des bois ;

Près de mon oreille il soupire

On dirait qu’un mortel expire :

Mon cœur se serre épouvanté.

Vers les astres mon œil se lève,

Mais il y voit pendre le glaive

De l’antique fatalité… »

 

La prison (extraits)

 

« … Dans l’escalier tournant on dirige ses pas ;

Il monte à la prison que lui seul ne voit pas,

Et, les bras étendus, le vieux prêtre timide

Tâte les murs épais du corridor humide.

On s’arrête ; il entend le bruit des pas mourir,

Sous de bruyantes clés des gonds de fer s’ouvrir ;

Il descend trois degrés sur la pierre glissante,

Et, privé du secours de sa vue impuissante,

La chaleur l’avertit qu’on éclaire ces lieux ;

Enfin, de leur bandeau l’on délivre ses yeux.

Dans un étroit cachot dont les torches funèbres

Ont peine à dissiper les épaisses ténèbres,

Un vieillard expirant attendait ses secours.

Du moins ce fut ainsi qu’en un brusque discours

Ses sombres conducteurs le lui firent entendre.

« Mon prince, dit quelqu’un, le saint homme est venu.

-Eh ! que m’importe, à moi ! » soupira l’inconnu.

Cependant, vers le lit que deux lourdes tentures

Voilent du luxe ancien de leurs pâles peintures,

Le prêtre s’avança lentement, et sans voir

Le malade caché, se mit à son devoir.

L’agonisant du lit se soulève et lui dit :

« …Oui, regardez-moi bien, et puis dites après

Qu’un Dieu de l’innocent défend les intérêts…

Je meurs tout chargé d’ans, et je n’ai pas vécu.

Du récit de mes maux vous êtes bien avide :

Pourquoi venir fouiller dans ma mémoire vide

Où, stérile de jours, le temps dort effacé ?

Je n’eus point d’avenir et n’ai point de passé ;

J’ai tenté d’en avoir ; dans mes longues journées,

Je traçais sur les murs mes lugubres années ;

Mais je ne pus les suivre en leur douloureux cours.

Les murs étaient remplis et je vivais toujours.

Tout me devins alors obscurité profonde ;

Je n’étais rien pour lui, qu’était pour moi le monde ?

Que m’importaient des temps où je ne comptais pas ?

L’heure que j’invoquais, c’est l’heure du trépas :

Ecoutez, écoutez : quand je tiendrais la vie

De l’homme qui toujours tint la mienne asservie,

J’hésiterais, je crois, à le frapper des maux

Qui rongèrent mes jours, brûlèrent mon repos… »